Son souffle lui brûlait les poumons, Marissa toussa en se relevant, sa vue se troubla alors qu'elle était prise d'une quinte de toux. Encerclée par les flammes, affaiblie, elle était désorientée. Nubia n'était plus là, c'était là la seule pensée qu'elle se répétait en boucle. Quand lui liare qui parla des appendices qui avaient poussé dans son dos. Elle porta une main dans son dos pour avoir conscience de leur présence. Il avait parlé d'ailes ?

Son regard se leva vers les nuages cachés par la fumée du bois en flammes, est-ce qu'elle pourrait rejoindre Nubia ? Marissa ferma les yeux pour imaginer de splendides ailes de métal aux plumes acérées. Elle se tenait le dos légèrement plié en prenant plus appuie sur sa jambe indemne. Elle eut beau se concentrer de toutes ses formes, les écailles sur ses omoplates ne bougèrent pas. Telle une carapace, elles enveloppait le haut de son dos jusqu'à la naissance de sa nuque.

Elle plissa les yeux qui déversèrent un flot de larmes silencieux jusqu'à ce qu'elle les rouvre et crie de rage :

- Elle ne reviendra pas ! Finissons-en si c'est un bain de sang que vous voulez !

Le dragon dévastait tout sur son chemin. Les armes de l'arvèles était perdues au milieu de l'incendie, la peur lui tiraillait les entrailles en se pensant désarmée. Dans son dos les écailles commencèrent à disparaître l'une après l'autre. La panique la submergea, prenant le dessus sur la rage d'Onyx. Elle eut du mal à bouger, serrant les dents tout en prenant de petites respirations. Elle ramassa un long morceau de bois épais à peine entamé par les flammes, c'était là tout ce qu'elle avait à sa portée pour se défendre.

Même si elle se savait pertinemment à leur merci, elle ne pouvait pas plier le genoux et mourir sans se battre. Que Nubia soit là où elle non, elle devait continuer de vivre. Le dragon n'était peut-être plus là, mais il était toujours en vie, qu'adviendrait-il de lui si elle périssait au milieu de ces flammes ? Les dernières traces de Vérité de Marissa s'évanouirent dans un nuage de poussière doré. Elle se servit du bâton pour garder une certaine stabilité essayant de se concentrer pour matérialiser une dernière fois sa Vérité, sans succès.

Elle continue pourtant d'essayer, que peut-elle faire d'autre ? Tourner le dos et fuir est impensable ! Son regard se baisse vers sa main, elle essaye de se calmer et ferme les yeux. Le feu autour d'elle chauffe ses joues comme le foyer de la forge de son père. L'odeur du bois brûlé lui rappelle les bûchers en l'honneur de Worgern lors du jour le plus froid de l'année. Elle rouvrit les yeux en sentant le souffle du dragon tout proche. Sa voix se brisa dans un hurlement alors qu'elle levait le bâton pour le tenir vainement à distance.

Dans son autre main sa Vérité s'éveilla, le nuage de poussière dorée l'enveloppa et la garde d'une épée commença à se matérialiser. Elle focalisa toute son énergie dans cette épée qu'elle essaya de sortir du nuage doré comme s'il était coincé dans un fourreau. Manquant de perdre tout son équilibre.

Était-ce bien cette boule de poils insupportable qui venait de distraire le liare ? Quand il s'en alla, la rage de Marissa se calma. Onyx fut bloqué par l'incendie qu'il avait lui même débuté, la guerrière retrouva alors ses sens lorsque le souffle du dragon fut masqué par la fumée opaque des flammes.

Elle en profita pour partir, car sa rage partie et le dragon en sécurité, elle n'avait pas de raison de poursuivre le liare. Elle se brûla les mains en sautant au-dessus de petits brasiers pour essayer de sortir de l'incendie. Une branche tomba sur elle et roussit ses cheveux avant qu'elle ne la repoussa en se brûlant l'avant bras. Même lorsqu'elle parvient à sortir du petit bosquet les flammes l'entourèrent. L'incendie s'était propagé dans la vallée. Alors, elle courut sans s'arrêter.

Jusqu'à ce qu'elle entendit au loin les grondements du dragon qui firent battre son cœur à tout rompre. Il faisait peut-être nuit, mais si le dragon partait à sa poursuite, il la retrouverait en quelques battements d'ailes. Ellyn se laissa glisser dans un fossé et se coucha au milieu des herbes hautes. Face contre terre, elle se fit aussi petite que possible et tenta de se calmer en respirant profondément.

Elle resta là sans bouger, espérant que le liare se désintéresse d'elle et incite le dragon à dévorer le visperia plutôt que l'humaine. C'était horrible ! Ce renard de misère ne pouvait pas finir ainsi ! Ses doigts creusèrent la terre, elle serra les dents, mais ne bougea pas. Elle ne pouvait rien faire, une fois de plus. Ellyn resta là une heure, peut-être deux. Elle avait fait le vide dans son esprit, ne pensant qu'à la forge de son enfance où elle s'était toujours sentie en sécurité. Il faisait encore nuit lorsqu'elle sortit de sa cachette.

Le vent s'était levé entre temps et avait repoussé l'incendie vers l'ouest. Le feu continuait de s'étendre, il ne restait rien du bosquet à part quelques morceaux de charbon tenant miraculeusement debout. Les flammes avaient été repoussées par le vent, mais l'endroit était toujours aussi chaud que l'intérieur d'une forge. En marchant, Marissa sentit la chaleur brûler doucement ses semelles.

Mais pas question pour elle de repartir sans essayer au moins de récupérer ce qu'il restait de ses affaires. Elle trouva en premier au milieu de la cendre le fusil hache. La crosse était à moitié brûlée, mais l'intérieur de l'arme avait l'air plus ou moins intact. Elle la ramassa sans se soucier de son état. Quelques pas plus loin elle retrouva ses protections, et ce qu'il restait de sa besace était à côté.

Elle était complètement fichue, les cartouches à l'intérieur avait explosé et réduit en poussière la Méridia qu'elle gardait constamment sur elle en cas de problème. De la plume du visperia, il ne restait qu'un morceau de la tige centrale qui disparut dans les cendres lorsqu'elle renversa son sac. Ses poings en métal et son bouclier télescopique tombèrent dans la poussière, mais elle continua de le secouer violemment plusieurs fois avant de le lancer de frustration. Le parchemin qu'elle gardait précieusement depuis des années avait disparu.

Elle continua malgré tout de fouiller les décombres. Quand elle trouva enfin le fouet de sa mère, Marissa remercia dans un soupir de soulagement Vaog d'avoir sauvé ses armes les plus précieuses.

Il était coincé sous un rocher et avait dû être à moitié enterré lorsqu'Onyx avait fait tomber la forêt sur eux. Par contre, une pointe de déception l'envahit quand elle vit que la rapière n'avait pas eu cette chance. Marissa ne la ramassa même pas et eu du mal à accepter de voir cette arme brisée. C'était la seule qu'elle avait forgé en compagnie de son père. Elle avait beau être devenue trop petite pour elle au fil du temps, elle l'avait gardé tout ce temps et en connaissait chaque ligne et la manière dont son poids était réparti.

La guerrière ravala des larmes et se concentra pour chercher son poignard. Après plusieurs minutes à soulever la cendre autour d'elle et se retrouver pleine de poussière, elle abandonna. Elle devait se contenter de ce qu'elle avait pu sauver et partir au plus vite. L'incendie pouvait repartir à tout moment, ou pire, le dragon et le liare n'étaient peut-être pas très loin...

Après avoir remis en place ses protections devenues noires à cause de la suif, Marissa s'en alla. Le fouet attaché à sa ceinture, elle garda sous le bras le fusil dont la sangle de cuir avait disparu dans l'incendie. Très vite elle se retrouva sur une grande route qu'elle avait souvent arpenté plus jeune. Elle se laissa porter par elle et partit en direction des montagnes de saphir sans vraiment savoir si elle allait s'arrêter là-bas ou partir vers le pays du feu.