(#) Sujet: Un crépuscule aux couleurs de Vérité Jeu 16 Mar 2017 - 21:22
Eien Vertefeuille 695 mots
Un crépuscule aux couleurs de Vérité
6 Ciorel 1247, Dans un coin perdu de la vallée d’Accro
Ah ! La vallée d’Accro ! Un endroit charmant s’il en est, surtout en ce doux mois de Ciorel. Le vent soufflait et portait des effluves de fleurs et des rires d’enfants. Nialë était surexcité, ne cessant de s’envoler pour replonger en piqué, si possible en soulevant le plus de poussière et de pollen possible à l’atterrissage. Eien comprenait parfaitement, cela faisait longtemps qu’il n’était pas rentré chez lui. Quoi qu’elle fasse, elle ne pourrait jamais rien contre l’attachement qu’il éprouvait envers sa terre natale. Pas qu’elle ait envie de faire quoi que ce soit de toute façon.
Elle aussi aimait cette vallée : le climat était appréciable, les gens sympathiques, la nourriture délicieuse. Le chemin vers le cœur d’un homme passe par son estomac comme aurait dit sa mère. Bien qu’Eien ne soit pas un homme (aux dernières nouvelles), elle ne semblait pas déroger à cette règle. Un bon muffin, ça fait toujours sa journée. Si Nialë ne lui a pas volé avant bien entendu. Mais ce n’était ni pour son frère de cœur, ni pour ses attraits culinaires qu’elle se trouvait en ces lieux ce jour-là. Elle avait un objectif bien plus précis.
Son maître (ancien maître en réalité, mais elle n’arrivait pas à se faire à l’idée, et lui non plus) l’avait informée que dans la Vallée semblait se trouver un nœud de pouvoir. Un lieu propice à de nombreux rituels donc, puisqu’il amplifiait la Vérité de ceux qui s’y trouvaient. Mais Nisimaldar n’avait pas pu le localiser exactement. Il devait se faire vieux. Il lui avait donc demandée d’y aller pour lui et de découvrir ses secrets. Il n’y avait qu’un problème et non des moindres : contrairement à lui, elle était incapable de sentir la Vérité d’un lieu. Tout juste se rendait-elle compte de l’amplification de ses propres pouvoirs.
Elle se trouvait donc contrainte à enquêter auprès des gens du coin. Cela signifiait communiquer, et ce n’était pas son fort. C’est pourquoi elle marchait vers le village le plus proche, que Nialë lui avait signalé plus tôt. Ca devait être bien de voir le monde d’en haut, de voler, de pouvoir disparaître… Elle soupira intérieurement. Si elle se mettait à envier son propre Familier, elle n’allait pas aller loin.
Comme elle s’en doutait, elle trouva une auberge dans le village. Petite et un peu usée, mais propre et une odeur appétissante flottait dans l’air. Mais on était au beau milieu de l’après-midi, ce n’était certainement pas l’heure de prendre une collation ! Son entrée aurait pu passer inaperçue, tout au plus le craquement de la porte et un léger courant d’air. Elle n’avait pas pour habitude de s’annoncer à grands renforts de cris et elle avait depuis longtemps remarqué que sa présence était… oubliable pour la plupart des gens. Mais c’était sans compter Nialë qui entra à sa suite en trompétant sa bonne humeur. Vous imaginez bien qu’un Arsok arc-en-ciel qui pénètre dans une auberge sans prévenir, ça fait du grabuge. Mais un Arsok qui fait tout pour se faire remarquer, ça fait que tous les regards sont braqués sur lui. Et donc sur Eien qui détonait dans ses vêtements sombres.
N’appréciant pas d’être le centre de l’attention, elle tenta de rabattre sa capuche sur son visage. Visiblement, Nialë ne l’entendait pas de cette oreille car il lui retira immédiatement. Comme s’il avait fait exprès d’attirer l’attention sur elle. En mode « Hey, vous avez vu mon Humaine ? Elle est classe hein ? »
Elle sourit légèrement, incapable de se mettre en colère contre lui et appréciant plutôt ses facéties. Mais comme elle ne pouvait pas laisser passer une si bonne occasion de se venger, elle lui attrapa la tête et noua un foulard sombre autour, en mode œuf de Pâques. Il était ridicule. Le coin de ses lèvres se souleva un peu plus alors qu’elle se tordait de rire intérieurement. Nialë lui lança un regard outré du plus bel effet. Bien décidée à le faire mariner, elle l’ignora et alla s’asseoir au comptoir, observant l’auberge. Malgré la saison clémente, peu de voyageurs étaient dans la salle commune.
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(#) Sujet: Re: Un crépuscule aux couleurs de Vérité Ven 17 Mar 2017 - 0:23
« Tu ne sais pas qui tu voles ! J'aurais ta tête sale enflure ! »
Bon sang, c'est fou comme ce genre de gros lard court sur pattes pouvait récupérer son souffle rapidement. Le coup de coude dans le ventre que lui avais offert venait pourtant du cœur, mais il avait dû être partiellement amorti par toutes ces soieries dans lesquelles le marchand était emballé à la manière d'un loukoum vociférant.
J'entendais nettement ses pas lourd atteindre le palier puis l'étage, mais j'avais pris sur lui une avance non négligeable : il n'arriva au bout du rayonnage que pour me voir bondir par une fenêtre laissée entrouverte. Me propulsant en avant, j'écartai d'un coup d'épaule les battants qu'une brise agitait à peine et m'abandonnai à la sensation du vide dans lequel je me jetais. Mal m'en prit : l'idiot dont j'avais repéré la charrette de fourrage avant de rentrer dans la boutique du collectionneur avait eu la bonne idée de l'avancer de presque un mètre, et je ne roulais dans la paille que pour dépasser le rebord du plateau de bois et me recevoir lourdement sur le sol de la rue.
Le souffle coupé, je toussais plusieurs fois avant de me relever et de reprendre ma course en titubant, bousculant sans réagir les passants qui jetaient insultes et quolibets sur mon passage. Mon allure devint peu à peu plus régulière, alors que j'enchaînais les changements de route et et les détours dans l'espoir de disparaître de la vue d'un potentiel poursuivant. Je sentais toujours serrée au creux de mon poing l'objet de mes péripéties : une page froissée arrachée au livre que le vendeur adipeux comptait me concéder pour « somme modique de quatre-vingt pièces d'or ».
Sérieusement ? Quatre-vingt pièces ?? Pour ce prix-là, tu ne voudrais pas non plus me harnacher comme une Squarre des Sables pour que je te serve de monture ?! Non mais ! Le ton était monté au cours du marchandage, la discussion s'était transformée en concert de menaces et de noms d'oiseaux parfois assez exotiques même pour un Nomade aguerri. Comme de bien entendu, j'avais choisi la manière alternative de me procurer le document qui m'intéressait, celle qui impliquait de distancer son propriétaire et de tirer sa révérence par le fenêtre de l'étage. Après tout j'avais même été relativement civilisé : je lui avais laissé deux-cent-treize pages sur deux-cent-quatorze.
Décidant que perdre la page serait stupide, je la glissai dans ma tunique, contre mon flanc, et repris ma course. Je ne m'arrêtai qu'après avoir mis une distance suffisante entre les allées commerciales et moi et, à bout de souffle, poussai la porte d'une auberge qui me parut être un bon endroit pour reprendre des forces avant de mettre définitivement les voiles.
Je sentis instantanément les yeux inquisiteurs se poser sur moi et vis les rictus désapprobateurs fleurir autour des tables, mon allure ne laissant sans doute pas de grande place à l'imagination quand à la raison de mon essoufflement. L'air innocent étant sans doute voué à l'échec, je me composais alors un regard tranchant, dans lequel on pouvait lire, en capitales d'imprimerie « il ne s'est rien passé, je crois qu'on se comprend ». Du moins je l'espérais.
Me dirigeant vers une table un peu à l'écart du gros des clients de la démarche la plus dégagée possible, je me laissai tomber sur la chaise et commandai d'une voix claire une chope de ce que le tenancier aurait de moins cher, occasionnant quelques rires entendus dans l'assistance. Sentant peu à peu l'attention retomber, je déposai mon sac à côté de ma table, sortis le bout de papier de ma tunique pour le lisser un peu, me laissai aller contre le dossier rustique de ma chaise, rejetai la tête en arrière et, fermant les yeux, poussai un long soupir de soulagement.
J'avais ce que je cherchais. Une petite voix murmura dans ma tête que le vendeur alerterait sans doute la garde du village sous peu et qu'il allait falloir décamper sans trop tarder, mais je la fis taire en décidant de m'accorder un peu de répit avant de devoir reprendre la route. De quoi me désaltérer ferait du bien, j'avais la gorge à vif après ma cavalcade dans les rues du bourg.
Les yeux toujours fermés, j'entendis sans bouger les pas de la serveuse se rapprocher de moi, sentant mon gosier de plus en plus sec à l'approche de ma boisson comme si le fourbe savait que j'allais lui accorder quelques rasades d'une piquette quelconque. Hélas, le son que j'entendis au lieu du choc mat, chaleureux d'une chope touchant ma table me fit dresser les poils sur la nuque en sursautant, priant tous les Dieux pour avoir mal entendu.
Un froissement de papier. MON papier. Un très mauvais pressentiment me fit rouvrir les yeux, et mon regard se posa naturellement sur la créature au plumage multicolore qui retournait en se dandinant auprès de celle que je devinais être sa maîtresse avant de me dévisager sans sourciller, ma page pendant du bout de son bec, manifestement l''air tout à fait satisfaite de son larcin. Laissant échapper un soupir excédé, je repoussai ma chaise et me dirigeai vers l'improbable duo.
PS:
Désolé, je n'ai pas de jolie mise en page comme toi ^^'
Dernière édition par Neaflys Elsagus le Lun 27 Mar 2017 - 17:57, édité 1 fois
Eien VerteFeuille
Mage
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(#) Sujet: Re: Un crépuscule aux couleurs de Vérité Mer 22 Mar 2017 - 22:53
Eien Vertefeuille 568 mots
Un crépuscule aux couleurs de Vérité
Alors qu’elle observait la salle d’un œil indifférent, elle perçu un bruit sourd derrière elle. Se retournant calmement, elle constata sans surprise qu’une femme bien en chair la fixait avec attention. Et avec un air légèrement inquiet l’Arsok et son ridicule bandeau noir.
- Ce sera quoi pour la demoiselle ? Les animaux sont priés de rester hors de l’auberge s’ils ne sont pas prévus au menu !
Eien leva un sourcil. Ou alors n’était-ce que l’effet de l’imagination de la tenancière qui se demandait sur quel énergumène elle avait bien pu encore tomber. C’est qu’on en voyait des choses quand on tenait une auberge. Des gens de toute sorte ! Comme cet homme tatoué et manifestement essoufflé qui venait d’entrer et de commander une chope de ce qu’ils avaient de plus bon marché. Peuh, encore un radin. Sans doute pas un mauvais payeur en tout cas, sinon il aurait demandé une boisson plus coûteuse.
- Une limonade je vous prie. Et ce n’est pas un animal, mais mon Familier. Si vous souhaitez en faire un sandwich, je vous conseille de vous abstenir. Il est tellement joueur qu’il risque de faire danser votre estomac.
Son regard avait une lueur étrange, bien que son expression n’ait pratiquement pas changée. Le tenancière hocha les épaules et partit chercher les commandes. Eien avait été classé dans la catégorie « clients étranges avec lesquels ce n’était pas la peine de discuter».
En jetant un coup d’oeil à ses côtés, la mage constata que Nialë avait une fois de plus disparut. Pas littéralement -ce qui n’est pas qu’une expression concernant la bestiole- mais il avait trouvé un nouveau jouet. Une bouffée d’affection monta dans sa poitrine alors qu’elle regardait la créature qui, d’un air malicieux, volait -pas avec ses ailes, hein, avec son bec ! Enfin vous voyez ce que je veux dire...- un parchemin que le dernier venu avait posé devant lui.
Et il s’en retournait vers elle, sous le regard manifestement étonné du propriétaire. Eien sentit que son Familier était ravi de son coup et qu’intérieurement il se moquait de cet homme. Il était merveilleusement insupportable quand il voulait. Ce dernier se leva d’un air exaspéré pour se diriger vers eux.
Récupérant distraitement le parchemin que Nialë lui tendait, elle détailla sans aucune gêne l’inconnu. Certainement un nomade Namès au vu de son physique et de sa tenue. Même s’il ne fallait pas juger trop vite (Namès-ho!).
Son attention se reporta sur le parchemin -ou plutôt la page arrachée- qu’elle avait en main. Tant qu’à faire, autant le lire. Avais-je oublié de préciser qu’Eien et la notion de propriété, ça faisait trois ?
A son grand étonnement, ce que celui-ci racontait était tout à fait intéressant. Les Xindeltek, ce nom lui évoquait quelque chose. N’était-ce pas celui d’une ancienne secte de mages exceptionnels mais un peu taré -qualité partagée par bon nombre de ses confrères et consœurs, soit dit en passant- qui avaient sévit un peu partout sur Madelle il y a quelques siècles ?
Elle n’eut pas le temps d’en voir plus. Le Namès était à ses côtés et souhaitait manifestement récupérer son bien. Elle soupira intérieurement et reposa la page devant-elle avant de lever les yeux vers l’inconnu.
Un instant seulement puisque Nialë réclama à nouveau toute son attention, l’air de vouloir retirer son superbe foulard, ce que la jeune femme fit bien volontiers après un dernier regard amusé.
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(#) Sujet: Re: Un crépuscule aux couleurs de Vérité Jeu 30 Mar 2017 - 9:10
Mon regard tomba sur l'étrangère comme mon estomac au fond de ma poitrine. Elle avait lu la page volée. Elle savait ce que je cherchais et pourrai confirmer sans difficulté aucune que j'étais passé par là lorsque les recherches atteindraient la petite auberge excentrée. Les idées se mirent à tourbillonner sous mon crâne dans une cacophonie désordonnée, fusant aussi vite que je les repoussais aux frontières de ma conscience.
Était-il possible de prendre les gardes de vitesse en mettant les voiles de suite tout en évitant d'attirer encore plus d'attention lors de ma sortie ? Fallait-il que je neutralise la dame en noir pour m'assurer un peu d'avance supplémentaire ? Impossible ici. Je sentais quelques regards se poser sur nous avec un inconfort croissant alors que je traversais la salle.
Dérouillant au prix d'un effort surhumain ma mâchoire crispée, j'esquissai un rictus affable et, me peignant ma mine la plus bonhomme sur le visage, m'approchais de l'inconnue et posais une main sur le comptoir, juste à côté du satané bout de papier.
"Bonsoir."
Ma propre voix me parut aussi rugueuse que du papier de verre raclant une pierre au grain irrégulier, je sentais ma gorge sèche, mon ton plus dur que je ne l'aurais voulu. Je me sermonai mentalement et radoucis ma voix afin de poursuivre avec un sourire en coin :
"On dirait que votre compagnon enrubanné porte autant d'intérêt que moi aux Xindeltek, une curiosité louable si vous voulez mon avis."
Sentant les regards curieux se détourner de nous, je pris un peu de confiance et m'assis de mon propre chef sur la chaise voisine, m'accoudant au comptoir avant de continuer d'une voix plus basse :
"Voyez-vous, outre l'entrée fracassante, votre ami et moi partageons également d'autres défauts, notamment notre manière d'acquérir les renseignements de sources extérieures. Et il se trouve que, tout grand que soit l'intérêt que j'accorde aux rencontres de voyages, ma "source extérieure" semblait plutôt hargneuse et m'inciterait à aller au plus vite voir un peu de pays. C'est pourquoi j'aimerais récupérer cette page avant de m'en aller, si vous le voulez bien."
La formule de politesse m'avait paru de bon aloi mais j'étais assez certain que le regard entendu qui l'avait accompagnée n'avait laissé aucun doute quand à sa réelle valeur. Un toussotement venu de derrière mon dos me fit me retourner pour découvrir la tenancière qui poussa sans ajouter un mot une chope dans ma direction en désignant d'un doigt boudiné le tarif inscrit sur une ardoise suspendue derrière elle.
Je me réjouis un instant du prix particulièrement abordable en sortant de m bourse l'unique piécette que ma consommation m'avait coûté mais perdis instantanément mon sourire intérieur lorsque le goût du breuvage me parvint. La piquette était infâme. Je me forçai à en avaler une rasade, réprimai à grand peine un haut-le-coeur puis dirigeai de nouveau mon regard vers les deux amandes d'argent liquide qui me dévisageaient avec un air dans lequel je cru déceler de l'amusement.
"Sur ce, et à moins que vous ne vouliez m'accompagner, je vous souhaite une bonne journée dans ce délicieux établissement."
J'entendis sans me retourner le reniflement dédaigneux de la tenancière, sans doute vexée par ma remarque ou par ma chope presque intacte, mais les deux me laissaient complètement indifférent. Ramassant le bout de parchemin, je contournai le volatile bariolé et fis un bref détour par ma table pour y ramasser mon sac avant de me diriger vers la sortie, cachant aux clients un petit sourire dans lequel le soulagement se mêlait à un sentiment de victoire. Finalement, j'avais réussi à m'en sortir sans accroc.
Eien VerteFeuille
Mage
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(#) Sujet: Re: Un crépuscule aux couleurs de Vérité Lun 10 Avr 2017 - 20:33
Eien Vertefeuille 891 mots
Un crépuscule aux couleurs de Vérité
Un bruit sourd retentit alors que sa main claquait sur le comptoir et qu’une voix de stentor retentissait dans l’auberge. S’il en avait été capable, le visage d’Eien se serait fermé. Elle détestait être au centre de l’attention. Et elle n’appréciait pas non plus se faire agresser, même verbalement, même par une formule de politesse. Elle comprenait son énervement mais considérait totalement injustifié qu’il s’en prenne à elle. C’est pas comme si elle pouvait contrôler tout ce que faisait Nialë non plus !
Fort heureusement pour leur relation, il sembla se calmer et paraître presque affable. Mouais, elle était pas née de la dernière pluie non plus (même en considérant la rareté de ces dernières dans le Désert des Namès), elle n’allait pas croire qu’il avait soudainement oublié son animosité. Cela dit, le fait qu’il parle des Xindeldek en connaisseur ne pouvait que piquer la curiosité de la jeune Mage. Auraient-ils été établis dans la région ? Ou la présence de ce parchemin dans ce village n’était-il qu’une coïncidence fortuite ? Sa mère lui aurait sans doute sortit un quelconque proverbe ou dicton en l’entendant penser cela. Quelque chose du genre « une coïncidence est une explication qui attend son heure ».
Son nouveau compagnon de bar s’assit à côté d’elle pour lui confier que pour des raisons évidentes, il préférait ne pas rester dans les environs plus longtemps que nécessaire. Aussi, s’il pouvait récupérer son bien, ça serait gentil, s’il-vous-plaît-merci. Avec un regard bien appuyé pour faire comprendre qu’il n’en pensait pas moins. Pensive quant à son attitude, Eien le fixait sans rien dire, gratouillant pensivement la mâchoire de Nialë qui avait posé sa tête sur ses genoux et ronronnait comme un gros chat.
Sans broncher, elle reposa la page arrachée devant lui. Elle en avait déjà mémorisé une bonne partie du contenu de toute manière. Sa mémoire lui avait bien des fois sauvé la mise à l’Académie. Et ça pouvait s’avérer utile dans ce genre de cas. Elle avait l’impression d’être une espionne parfois, c’était bizarre.
Lorsque la tenancière apporta leurs boissons, elle fronça le nez à l’odeur âcre qui s’échappait de la chope de son voisin. Ça se buvait, Ça ? Vu la tête de son propriétaire, visiblement pas. Une ombre de sourire éclaira son visage. Par moquerie autant que pour éloigner les effluves épouvantables de son nez, elle but quelques gorgées de sa limonade qui était quant à elle relativement réussie. Pas mémorable mais elle avait ce qu’on demandait à toute limonade digne de ce nom : elle était rafraichissante et sucrée.
Elle ne sut pas ce qui décida le Namès à partir aussi vite. Etait-ce ses très probables poursuivants ? Ou alors avait-il simplement besoin de se vider les tripes après avoir bu le magma boueux que la tenancière semblait qualifier de bière ? Toujours est-il qu’il avait vidé les lieux avec une rapidité tout à fait impressionnante.
Elle repensa à sa mission. Cette histoire pouvait n’avoir aucun rapport avec ce qui l’intéressait. Aussi bien pouvait-elle être une occasion inespérée d’en apprendre plus. Cet étrange Namès (si tant est qu’il soit bien Namès, et si tant est que notre Mage en ait quoi que ce soit à fiche) pouvait bien connaître la Vallée. Et elle, qu’avait-elle à offrir en échange ? Ses connaissances, déjà. Les Xindelteks étaient des Mages après tout. Sa capacité de lampe-torche pouvait également s’avérer utile, mais ça n’était pas vraiment un argument. Et elle ne savait pas ce qu’il voulait. Il lui avait pourtant suggéré de l’accompagner ? A moins que cela n’ait été qu’une façon de parler ?
Elle finit sa limonade, jeta un dernier regard au breuvage étrange en même temps que quelques piécettes et se leva, s’attirant un regard endormi de la part de l’Arsok qui avait cru l’heure de la sieste arrivée. Il mâcha une ou deux fois, l’air complètement dans le pâté avant de s’ébrouer et de la suivre avec plus d’entrain. Sans oublier de choper le contenu d’une gamelle au passage, bien entendu.
En passant la porte, Eien constata avec soulagement que son futur-probable-espérons-le-ça-serait-sympa-quand-même compagnon de route n’était pas encore trop loin. Elle le rejoint en trottinant, ses voiles flottant derrière elle. - Il se trouve que votre proposition de vous accompagner m’intéresserait. Je recherche quelqu’un qui connais bien la région, et cela semble être votre cas.
Elle planta ses yeux dans les siens, bien décidée à accrocher son attention. Si un regard avait pu être un objet, le sien aurait été classé dans la catégorie « Harpons et grappins, tout pour ferrer au meilleurs prix !». Cette pensée la fit glousser intérieurement, mais elle se calma rapidement. Une fois sûre qu’elle avait l’attention de son interlocuteur, elle reprit d’un ton sérieux. - Je m’appelle Eien, je suis une Mage de l’Université de Saona. Je ne sais pas ce que vous recherchez, et pourquoi vous avez… emprunté ces documents. Mais le nom de Xindeltek m’est familier, je pourrais peut-être vous apporter mon aide ? De toute façon je connais déjà le contenu de cette page.
Elle aurait pu s’incliner pour faire bonne mesure. Mais il était hors de question qu’elle lâche cet homme des yeux plus d’une demi-seconde. Beaucoup trop de choses peuvent arriver en une demi-seconde. Et « Prudence est mère de Sûreté » ! Sa mère aurait été fière d’elle pour ces sages pensées.
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(#) Sujet: Re: Un crépuscule aux couleurs de Vérité Mer 3 Mai 2017 - 23:49
Le crépuscule prenait timidement place dans l'air de la vallée d'Accro, les quelques troupeaux que l'on rentrait pour la nuit dessinant des nuages laineux qui se mouvaient lentement sur les contreforts des montagnes. Le soleil déclinant baignait la petite place sur laquelle je venais d'arriver d'une lumière claire tirant sur des nuances ambrées, les feuilles à contre jour dévoilaient leur réseau nervuré et leurs teintes les plus estivales.
Je pris une inspiration et sentis un sourire poindre sur mes lèvres. Une belle soirée pour mettre les voiles. Hélas, j'entendis très nettement malgré le bruit des passants le grincement de la porte s'ouvrant derrière moi, et je sus sans regarder que mon mauvais pressentiment s'était vérifié, comme sembla me le confirmer un croassement moqueur provenant des frondaisons du chêne central de la place. Un corbeau que je n'avais pas remarqué paraissait très amusé par ma malchance, et c'est la mâchoire crispée que je me retournais pour découvrir -évidemment- la nabote chromophobe cheminant au petit trot dans ma direction.
-Il se trouve que votre proposition de vous accompagner m’intéresserait. Je recherche quelqu’un qui connais bien la région, et cela semble être votre cas.
Je maudis la politesse stupide qui m'avait fait conclure ma tirade par cette invitation purement rhétorique, ah, elle est utile la bonne éducation ! Merci 'pa, merci 'ma. Un deuxième croassement moqueur vint ponctuer sa déclaration et je jetais un regard assassin au volatile qui ne parut pas s'en soucier. Sans me laisser le temps de répondre, l'inconnue planta son regard dans le mien et poursuivit :
-Je m’appelle Eien, je suis une Mage de l’Université de Saona. Je ne sais pas ce que vous recherchez, et pourquoi vous avez… emprunté ces documents. Mais le nom de Xindeltek m’est familier, je pourrais peut-être vous apporter mon aide ? De toute façon je connais déjà le contenu de cette page.
Je dus reconnaître n'avoir jamais entendu parler de Saona, et même si l'inconnue -Eien ? Ehyen ? Ehyène ?- n'avait pas l'air bien roublarde, je demeurais dubitatif quand à son statut de « mage ». C'était un grand mot. Un mot de gens de la ville. Chez moi, les gens avaient des dons, on croisait des oracles, des sorciers, mais « mage » … ça sonnait pompeux, odeur d'encens, dessins à la craie et vieux livres indéchiffrables.
En revanche, elle disait toucher sa bille concernant les Xindelteks, ça se révélait intéressant. Remarque, elle avait eu le temps de me dévisager plus que de raison et avait lu la page qu'elle aurait à présent pu identifier avec certitude si des recherches devaient l'atteindre … autant la prendre avec moi. Elle ne me lâchait d'ailleurs pas des yeux comme si j'avais pu lui asséner un coup derrière la tête pour partir en courant, et à vrai dire ce n'était pas l'envie qui m'en manquait. Tendant une main, je me présentai :
-Jaffer. Jaff si tu y tiens. Quand à ce que je fais .. je marche, et parfois je trouve des choses.
J'insistais sur « trouve » comme elle avait insisté sur « l'emprunt » de documents. J'hésitai à poursuivre puis abandonnai l'idée, indiquant le chemin d'un mouvement du menton avant de m'engager dans la petite rue qui nous amena bientôt à la lisière du village. En passant les portes, un garde laissa échapper une remarque grasse sur « la compagnie que je m'étais trouvé pour la soirée ». La noirceur de mon regard le dissuada de poursuivre, mais j'aurais sacrément aimé lui envoyer une répartie cinglante pour que son camarade se paie une bonne tranche de rire à ses dépens. Mais pour le moment, il était temps de faire profil bas, aussi avançai-je droit vers la voie principale.
Après quelques dizaines de minutes, le silence se faisant pesant sur la route à présent déserte, je hasardai :
-Du coup votre truc, c'est de changer le plomb en or ? De faire revenir l'être aimé ? De fabriquer des plumes qui écrivent quand on dicte ?
Me baissant pour passer sous une branche un peu basse je sortis de la large voie centrale pour m'engager sur un étroit chemin de terre qui s'enfonçait dans un bosquet d'ormes moussus. Me retournant vers mes compagnons improvisés, j'enjoins à la jeune femme de me suivre :
-Il va falloir crapahuter un peu si le lieu décrit sur ce bout de papier est bien là où je crois l'avoir vu.
Un battement d'ailes que j'attribuais au volatile me répondit, aussi continuai-je sur mon chemin. Le sentier s'étiola peu à peu à mesure que les ormes cédaient la place à des chênes jusqu'à ce que nous le quittions pour de bon, nous avançant sur un tapis de feuilles et de brindilles, le sous-bois prenant une teinte orangée et chaude dans le crépuscule. Fermant un instant les yeux pour me remémorer le paysage que j'avais vu en arrivant dans la Vallée, j'estimais qu'il devait se trouver quelque part à l'Est, aussi bifurquai-je promptement vers la droite, mon approximation bientôt confirmée par notre arrivée sur un nouveau sentier composé de deux profondes ornières, sans doute emprunté par des bûcherons ou des éleveurs, ce qui parut rassuré la jeune femme. Son volatile semblait quand à lui apprécier la balade avant tout et ne semblait pas plus inquiet que ça.
Finalement, alors qu'une légère raideur commençait à se faire sentir dans le bas de mes mollets, je reconnus l'éperon rocheux qui poussait à flanc de montagne, derrière un escarpement et surplombait le bras d'un ruisseau passant en contrebas. Les contreforts montagneux suivaient ainsi cette avancée de la montagne dans la plaine, dépassant de quelques mètres les plus hautes frondaisons du sous-bois. Dépliant la page froissée, je la comparais au paysage devant moi : l'angle n'était pas le bon, et la végétation avait beaucoup changé, néanmoins l'éperon rocheux présent sur la petite illustration était bel et bien celui qui se trouvait à une centaine de mètres devant nous. Et quelque part à sa mi-hauteur, sur une corniche qui surplombait la rivière, se trouvait ce qui paraissait être une porte rudimentaire composée de deux piliers sur lesquels reposait une large pierre plate.
Je me sentis sourire et tendis sans un mot la feuille à ma compagne de maraude, m'élançant à l'assaut du sol pentu et rocailleux (bien que couvert de mousse) qui menait à la corniche. Soufflant lourdement, je me hissai enfin sur la corniche et observai avec un sourire qui cette fois ne se cachait plus la porte à demi effondrée qui menait dans les entrailles de la montagne.
J'observai un instant le soleil couchant à l'Ouest et les derniers oiseaux s'envolant pour rejoindre leur nid, quelques volatiles ayant d'ailleurs élu domicile dans les arbres environnants. Je crus remarquer un corbeau nous épiant -le même ?- mais chassais vite cette pensée parasite de mon esprit.
Me retournant vers la jeune femme rendue écarlate par l'escalade du terrain, je demandai tout sourire :
-Bon l'Ornithophile, fait un feu et on mange un bout avant de poursuivre ?
Eien VerteFeuille
Mage
Messages : 78 DC : Ivinea Loryed Présentation : Ici ! Carnet : Là !Expérience : 129
(#) Sujet: Re: Un crépuscule aux couleurs de Vérité Dim 11 Juin 2017 - 11:52
ft. Eien Vertefeuille 1451 mots
Un crépuscule aux couleurs de Vérité
Le silence s’installa quelques instants après la présentation d’Eien. Le regard toujours rivé sur le Namès, elle pouvait le dévisager à loisir et ne s’en privait pas. Elle s’amusait des changements d’expression qu’elle pouvait lire sur son visage. Il était fascinant de voir à quel point de légers mouvements de sourcils, un regard ou une moue de la bouche pouvaient donner vie à des sentiments. Pourquoi parler quand votre corps le faisait pour vous ? Elle faillit regretter l’époque révolue où elle savait encore s’exprimer autrement que par des mots. Elle chassa cette pensée ridicule de son esprit en voyant que l’étranger s’apprêtait -après des instants longs comme un ou deux éternités- à lui répondre.
Sa présentation était parfaitement douteuse. Eien n’était pas une spécialiste pour ce qui était de détecter les mensonges, mais le ton comme les termes employés par ce Jaffer laissaient peu de doutes planer sur la question. Il lui tendait la main, comme pour conclure un marché. La jeune Mage était peu adepte des contacts physiques avec des inconnus et regardait la main avec une certaine circonspection, se demandant avec un sérieux notable s’il prendrait mal son refus d’une poignée de main virile. Elle haussa mentalement les épaules et laissa Nialë approcher son bec de la paume tendue pour s’assurer qu’il n’y avait rien de comestible dedans. Il eut l’air très déçu de ce qu’il trouva. C’est-à-dire pas grand-chose. Jaffer laissa là sa présentation, sans poursuivre. Pour ça valait de toute façon.
Ils quittèrent le village par la seule et unique rue le traversant. Celle-ci était en mauvais état et le bout des ailes et de la queue de Nialë soulevaient des volutes de poussière en balayant le sol. Elle était littéralement fascinée par les figures formées dans l’air du soir. A tel point que ce fut le claquement de bec réprobateur de l’Arsok qui la ramena à la réalité. Un regard circulaire lui indiqua que l’objet de son mécontentement se trouvait être un homme dont le statut devait se situer quelque part entre l’homme d’arme et le poivrot au nez rougeoyant. Il lui rappelait un bœuf.
Elle s’immobilisa et planta son regard d’argent dans le sien, le visage décidément impassible. Seuls les quelques mèches voletant doucement et le faible bruissement de ses voiles rompaient l’immobilité de l’instant. Le sourire entendu du garde finit par battre en retraite devant l’air inquiet qui se frayait un chemin sur son visage. Il se dandina et détailla la pointe de ses bottes qui semblait tout à coup d’un intérêt remarquable.
Satisfaite, elle reprit sa route sans un mot. Son plus grand défaut était souvent sa plus grande arme. Les gens ne savaient quoi penser d’elle, son visage n’exprimant rien : ni sympathie pour rassurer, ni animosité dont se méfier, ni peur à exploiter. Il n’avait rien pour se raccrocher et ils brodaient alors autour ce qu’ils pensaient voir en elle. Du rejeton des ombres à la citadine naïve. Mais cette absence de réaction de sa part mettait presque toujours mal à l’aise.
Une fois les palissades franchies, Nialë prit son envol, éloignant la plus grande source de bruit (et d’ennuis) des deux voyageurs. Son énergie semblait inépuisable et une bouffée d’amour réchauffa le cœur d’Eien. Elle l’adorait et le voir heureux la remplissait d’une satisfaction sans égale. A part peut-être celle de piéger Enara de belle façon.
Les minutes filèrent comme des souris poursuivies par un chat tandis qu’elle suivait du regard la course du volatile arc-en-ciel dans les airs et profitait de la douceur du soleil couchant et de la chaude lumière dorée dont il teintait les champs de la Vallée d’Accro. Ancienne jusqu’au bout des ongles, elle appréciait une contemplation silencieuse de la beauté simple et dure de la nature qui les entourait. Elle en oubliait presque la présence de Jaffer à ses côtés. Presque. Sa voix rompit d’ailleurs le silence. A sa question il semblait se tromper lourdement sur ce que signifiait être un mage. Elle pouvait difficilement lui reprocher, tant le titre avait une sonorité pompeuse par rapport à ce qu’il était réellement.
- Non. Je ne suis pas Alchimiste.
Ni rebouteuse ou charlatan, ajouta-t-elle pour elle-même. Elle retint les mots au bord de ses lèvres. Leurs relations n’étaient pas vraiment au beau fixe et elle préférait que ça ne s’aggrave pas sur un mot de trop. - J’étudie la Vérité, j’essaye de comprendre comment elle fonctionne, comment son énergie se répand dans Madelle, comme la contrôler, la rendre plus puissante, ce genre de choses. Enfin ça c’est la théorie. J’apprends encore. Je me dis souvent que j’aurai fini d’apprendre quand je serai morte !
Espérons juste que ça n’arrive pas plus tôt que prévu. La Mère seule savait où il l’emmenait, en s’enfonçant à travers les bois comme ça. Pas que la perspective d’une virée en nature sauvage lui pose problème -n’avait-elle pas grandit entre les racines d’un mirlis et sur les branches d’un chêne pluricentenaire ?- mais elle ne faisait pas entièrement confiance à Jaffer. Doux euphémisme…
Il était d’ailleurs temps qu’elle s’occupe un peu plus de ce qu’elle était venue chercher. Discrètement, elle illumina une de ses paumes. La lumière produite s’accordait parfaitement avec la lueur dorée du crépuscule mais rendait difficile une quelconque estimation de l’intensité. Elle se concentra, étendant la lueur à son bras entier. Elle pouvait sentir le léger effort que ça lui demandait. Elle joua quelques instants avant de laisser sa Vérité s’éteindre. Il lui semblait que la manipulation était légèrement facilitée mais il ne pouvait s’agir que d’une illusion qu’elle s’inventait dans l’espoir de voir une différence.
Elle reconnut le paysage avant que Jaffer ne sorte le parchemin de sa poche. C’était, à quelques détails près, celui qu’elle avait eu le loisir d’admirer quelques temps auparavant, tracé à l’encre éclaircie sur du papier froissé appartenant à quelqu’un d’autre. Elle eut à peine besoin de confirmer ses souvenirs lorsqu’il le propriétaire actuel dudit papier le lui tendit. Bien entendu.
Elle fut néanmoins prise au dépourvu lorsque son compagnon de route se lanca avec tant d’ardeur dans l’escalade de la côte rocheuse. Eien avait marché toute la journée et la fatigue commençait à lui peser, rendant la marche d’autant plus pénible. Le voir presque bondir de rocher en escarpement l’épuisait par avance. Elle n’était pas une chèvre bon sang !
Après un long soupir qui se confondit avec une simple expiration, elle ramena les voiles qui risquaient de la gêner en s’empêtrant dans ses jambes, révélant une bonne partie de ses jambes sans faire montre d’aucune gêne. Et elle commença à grimper. Le cri que lança à Nialë qui faisait des acrobaties non loin ressemblait fortement à un rire. C’est ça, fiche-toi de moi ! Tu ne perds rien pour attendre… L’Arsok sembla lui tirer la langue avant de disparaître. Littéralement. Huit ans et elle ne s’était toujours pas faite à le voir devenir transparent sous ses yeux.
Yeux qui se posèrent sur Jaffer qui arborait également une lueur espiègle dans les yeux. Décidément ils formaient une belle paire tous les trois ! Elle se permit un regard malicieux en retour. Qui s’accentua lorsqu’il l’appela « l’Ornithophile ». L’imagination d’Eien se mit à gratter à la porte de son humour pourri, qui lui ouvrit avec plaisir. Si Jaffer voulait rentrer dans ce genre de jeu, il n’allait pas être déçu.
Elle commença à rassembler des pierres pour contenir le feu, tandis que Nialë -qui était réapparu entre temps- lâcha une pile de petit bois sur la tête du Namès comme pour lui signifier qu’il pouvait participer au feu lui aussi. S’abstenant de tout commentaire sur la tête surprise de Jaffer et sur les brindilles qui pendouillaient de ses cheveux, Eien ramassa le combustible et le plaça en quelques gestes que l’habitude avait rendus efficaces. Elle sortit ensuite un silex et son superbe couteau suisse gravé d’un Llam Tauraë pour allumer le tout. Bientôt la lumière d’un joli feu de bois remplaça celle du soleil déclinant.
Délaissant la lumière et la chaleur des flammes dans le soleil déclinant, elle s’approcha de l’ouverture pour l’examiner. Outre les piliers, l’intérieur semblait couvert de glyphes semi-effacés. Pour mieux les étudier, elle illumina ses paumes et commença à détailler le mur avec intérêt, oubliant un peu ce qui l’entourait. Elle remarqua ce qui avaient dus être les gonds rouillés d’une ancienne porte, à présent disparue. Ces lieux portaient tous les signes de vestiges du passé. Elle sentit l’excitation lui accélérer le pouls tandis que ces yeux scintillèrent à la lueur dorée de sa Vérité. Un léger sourire flotta sur ses lèvres. Elle sursauta lorsqu’elle sentit une présence derrière elle et reprit immédiatement son visage indifférent, sa Vérité disparaissant comme si rien ne s’était jamais passé.
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(#) Sujet: Re: Un crépuscule aux couleurs de Vérité Dim 18 Juin 2017 - 18:45
Alors que le jour finissait de mourir, je laissai un instant (je n'aurais su dire combien de temps) mon regard errer sur le sous-bois de la Vallée qui s'illuminait peu à peu, la Vérité sourdant de chaque nervure, de chaque racine, de chaque champignon, comme un gigantesque feu de forêt bleuté qui semblait se propager à l'intérieur des plantes. Alors que le monde des humains s'endormait, les bois semblaient s'éveiller et je sentis moi aussi la Vérité qui coulait en ce lieu. J'avais beau avoir déjà passé plusieurs semaines dans la Vallée, je ne me lassais jamais de ce spectacle, et ressentis une petite pointe de tristesse en pensant à tous mes frères, sœurs et cousins de degrés divers qui -bien loin de là- ne verraient jamais la magie se répandre ainsi à la nuit tombée.
Je pris conscience qu'une douce chaleur s'était peu à peu élevée dans mon dos, et me retournai pour trouver Eien et son volatile assis près d'un petit feu. M'asseyant à mon tour, je sortis de mon sac un quart de miche de pain et un morceau de fromage puis entrepris de me tailler une tranche épaisse, mordant tour à tour dans le pain et le fromage. Plus je mangeais et plus je découvrais que la journée m'avait creusé l'appétit. En regardant les deux comparses manger de leur côté du feu, j'eus du mal à ressentir autant d'animosité qu'avant à leur égard, Eien m'avait semblé plus amusée que patibulaire.
Après avoir épousseté mes vêtements et alors que je prenais une lampée à mon outre, je vis la jeune femme se lever et s'approcher avec ce que je pris pour de la curiosité de l'orifice rocheux. L'interprétant comme le signal du départ, je tirais une branche épaisse du feu puis, ma torche improvisée à la main, rejoint Eien qui, à ma grande surprise, rayonnait. Pas seulement par son expression où se mêlaient joie et curiosité mais aussi littéralement : un halo de lumière dorée émanait de ses paumes et ses yeux semblaient emplis du même éclat, jusqu'à ce qu'elle se retourne dans un sursaut et que toute lumière ne disparaisse soudainement, lui rendant son air sombre et taciturne.
Je n'aurais su dire pourquoi, j'eus l'impression d'avoir rompu un charme et sentis le besoin absurde de m'excuser. Au lieu de ça, je haussais discrètement ma torche en expliquant :
-Tout le monde ne peut pas faire jaillir la lumière à volonté, en tout cas chez les profanes.
La voir ainsi user de sa Vérité donnait d'un coup plus de poids à son statut de mage, et je me sentis comme un paysan obtus, laissé en dehors d'un secret réservé aux gens plus éduqués. Un vieux proverbe nomade disait « ce qui divise les Hommes, c'est ce qu'ils ont ; ce qui les rassemble, c'est ce qu'ils cherchent. ». Eien et moi cherchions la même chose, et si elle devait se trouver sous les contreforts des montagnes, nous allions la trouver. Je fis quelques pas dans le couloir de pierre grossièrement taillée. Assez haut pour que j'y tienne debout, large d'environ 1m50, ses parois étaient couvertes de glyphes complexes et de runes que l'on avait gravés à hauteur de poitrine au marteau et au ciseau à pierre, dessinant une sorte de fresque ésotérique dont le sens me demeurait mystérieux.
Je sentis ma respiration s'amplifier, à mesure que la certitude prenait forme dans mon esprit : nous étions au bon endroit, il n'y avait pas l'ombre d'un doute. Le boyau de roche taillée devait s'étirer sur une vingtaine de mètres, il était difficile d'en voir le bout que l'obscurité dissimulait au-delà du halo de ma torche. Avançant d'un pas de plus, un craquement sec s'éleva de sous ma botte. Me penchant vers le sol, je constatai la présence d'un petit squelette de rongeur, intact (à l'exception de la patte que je venais de briser). Levant ma torche pour éclairer plus avant, je sentis mon sang se glacer en remarquant que le sol du couloir était jonché d'ossements de petits animaux, rats, lièvres, blaireaux ; mais aussi de plusieurs squelettes humains, allongés au sol ou adossés aux murs.
Mon cœur cognait à présent douloureusement contre ma poitrine, et je tournais mon regard en tout sens, cherchant à percer les ombres mouvantes projetées par ma torche. Tentant de rassembler mes esprits, je m'approchai d'un squelette assis contre le mur et posai un genou à terre pour l'examiner. Il pouvait avoir plusieurs centaines d'années, ses vêtements bien que secs et usés étaient encore en place et se composaient d'une grande robe de ce que j'identifiais comme du lin et d'une paire de sandales. Une vieille sacoche de cuir craquelé révéla la présence de plusieurs rouleaux de parchemin qui s'effritèrent lorsque je tentai de les dérouler.
Des contes et légendes me revinrent, de gens perdus dans le désert dévorés par le vent et le sable, dont la chair avait été ôtée de leurs os par une tempête à l'intérieure de laquelle se cachaient les démons des dunes. Des histoires effrayer les enfants et s'assurer qu'ils rejoignent le campement au moindre signe de tempête. Pourtant … une part irrationnelle de ma conscience que je tentais de faire taire persistait à murmurer, quelque part dans mon esprit que les démons étaient peut-être plus que des histoires.
Fébrile, j'inspectai le sol et me déplaçai d'un cadavre à l'autre, dardant un regard inquisiteur à la recherche du moindre détail. Finalement, je me relevai et énonçait d'une voix claire mais teintée d'hésitation :
-Je ne vois pas d'armes au sol. Aucun bijou, aucun vêtement ou aucune protection ne suggérant que ces gens puissent avoir été un jour des guerriers. Leurs crânes ne sont pas percés ou brisés, je n'ai vu aucune marque d'entaille dans leurs habits ou sur leurs os, et ils sont tous dans des positions plutôt banales, aucun n'est face contre terre. Ils ne sont pas morts en se battant.
J'avalai ma salive avant de poursuivre, et ma gorge me fit l'impression de m'être jeté à plat ventre sur un tapis de pierres sèches et tranchantes.
-J'ai pensé à un prédateur, une créature qui aurait chassé et ramené les ossements de petits animaux, mais je n'ai trouvé aucune marque de crocs sur les os, je ne peux pas le dire avec certitude mais je ne crois pas qu'ils aient été rongés …
La jeune femme déjà pâle avait pris la couleur de la porcelaine depuis que javais commencé à parler, figée à quelques mètres de moi. Même son Arsok semblait plus calme. Plus inquiet ? Secouant la tête, je demandai à voix basse, le son traversant sans difficulté la distance qui nous séparait dans le silence du souterrain :
-Je ne sais pas ce qui les a tués, mais le fait est qu'ils sont morts après être entrés ici. J'ai déjà ma propre réponse, mais la question s'impose : est-ce qu'on continue ?
Eien VerteFeuille
Mage
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(#) Sujet: Re: Un crépuscule aux couleurs de Vérité Sam 24 Juin 2017 - 21:10
ft. Eien Vertefeuille 1345 mots
Un crépuscule aux couleurs de Vérité
L’obscurité voulu reprendre ses droits dans la caverne, mais dut reculer devant la lueur tremblotante de la torche de fortune que portait Jaffer. Eien l’examina d’un œil critique, peu convaincue de l’efficacité et de la durée de vie de cette dernière, mais s’abstint de tout commentaire. Cette situation lui en rappelait une autre, alors qu’elle était encore gamine, et qui lui donnait encore des cauchemars de temps à autres. Elle s’était retrouvée dans le noir, au plus profond d’une grotte creusée par un torrent souterrain, avec pour seule compagnie sa conscience paniquée. Elle en gardait une méfiance des torches et un certain malaise dans les grottes mal éclairées.
Jaffer n’avait semble-t-il rien loupé de ce dont elle était capable et arborait un air à la fois surpris et déçu. La remarque qui s’ensuivit la laissa perplexe. Sa Vérité n’avait rien d’impressionnant à ses yeux. Oh elle était bien utile pour lire la nuit, mais elle n’était pas si puissante que ça. Elle balaya donc le commentaire d’un léger haussement d’épaules et d’un murmure :
- On a tous nos dons.
Elle se demanda l’espace d’un bref instant ce dont Jaffer pouvait bien être capable. S’il était Namès, comme elle le pensait, alors il devait avoir une Vérité de l’être. Quant à la manière dont elle se manifestait, cela tenait du mystère. Son attention fut bientôt happée à nouveau par les glyphes sur les murs. Ils étaient abîmés, manifestement, mais il lui semblait en reconnaître quelques-uns, qu’elle avait vu dans des livres anciens.
L’Ancienne avait des doutes sur leur signification, et le peu qu’elle comprenait lui faisait froid dans le dos. Elle se persuada qu’il s’agissait d’une erreur de lecture, de sa mémoire qui lui faisait défaut et ne fit aucun commentaire. Elle fit courir son doigt sur les lignes courbes et les traits brisés et sentit à sa grande surprise la Vérité lui picoter la peau tandis que son index s’illuminait doucement, parfaitement malgré elle. Elle retira vivement sa main du mur qu’elle regarda d’un air méfiant. Cet endroit semblait extraordinaire à plus d’un égard.
Sur ses talons, Nialë s’agitait. Mais pas comme d’habitude, non. Il semblait bizarrement nerveux et avait presque la chair de poule. Ce qui, pour un volatile, n’est pas peu dire ! Son plumage gonflé lui donnait un air obèse qui aurait été comique s’il ne trahissait pas son malaise. Peu rassurée, Eien reportait son attention pour constater l’état de Jaffer lorsqu’un craquement à vous glacer le sang retentit avant de rebondir sur les parois rocheuses. Un frisson glissa le long du dos d’Eien qui déglutit silencieusement. Lorsque son compagnon se baissa, elle eut le loisir d’observer plus avant et ce qu’elle vit n’était pas pour la rassurer.
Le couloir était jonché d’ossements, non, de squelettes entiers. Et pas seulement des petits animaux. Certains, le dos appuyé sur les murs, étaient clairement humains. Eien sentit le sang quitter son visage. Ce n’étaient pas ses premiers morts, non, mais ajouté à ses récentes découvertes, ils avaient un impact particulier. L’ambiance du lieu, de vieille ruine inhabitée à explorer, se muait lentement en sépulture ancestrale et maudite. Elle secouait doucement la tête pour chasser cette impression. Allons Eien, tu as manifestement lu beaucoup trop de contes horrifiques ! se morigéna-t-elle. Si puissants qu’aient été les Xindelteks, ils n’avaient rien de surnaturels !
Figée sur place, elle suivit des yeux Jaffer qui allait d’un squelette à un autre en les examinant avec attention. Il semblait confiant, mais il lui était difficile de juger à la seule lueur des flammes mouvantes qu’il portait. Elle ne pouvait se résoudre à faire de même, mais se questionnait sur ce qui avait bien pu provoquer cette hécatombe. Un combat paraissait improbable, puisqu’il n’aurait pas impliqué des animaux comme des lapins. A moins que ce ne soient des lapins extrêmement féroces ! Par acquis de conscience, elle examina la dentition de l’un d’entre eux pour la trouver parfaitement normale. Rien à craindre des lapins donc. Même adultes. Une bête sauvage alors ? Mais les os semblaient ne pas avoir été déplacés, comme si pas un courant d’air ne les avait dérangés depuis la mort de leur propriétaire.
De loin, Jaffer lui fit part de ses propres conclusions, qui répondaient en écho à ses pensées. Quelque chose avait du se passer ici. Mais elle n’arrivait pas à mettre le doigt dessus. Toute ses hypothèses se retrouvaient rejetées, les unes après les autres, laissant place à des idées plus folles et moins rassurantes. Eien resserra son châle sur ses épaules avant de prendre une longue inspiration. Son compagnon, visiblement inquiet de son comportement, voulait savoir si elle souhaitait continuer.
Une fois de plus, ses yeux coururent sur le mur avant de se poser sur un glyphe dont elle était certaine de la signification, puisqu’il était encore utilisé à de rares occasions : « Vérité ». Elle savait qu’à l’époque, il avait désigné à la fois la capacité conférée par Mère Nature que le concept qui s’opposait au mensonge, à l’illusion. Ce qui était paradoxal en un sens, puisque certains produits des Vérités pouvaient s’apparenter à des illusions. Elle se focalisa sur ce glyphe et retrouva sa contenance. La Vérité était son domaine. Elle était ici en invité, mais également en territoire connu. Elle n’allait pas se laisser abattre par des gens morts depuis plusieurs centaines d’années !
Elle retrouva sa contenance, détendit ses mains crispées et darda sur Jaffer un regard assuré.
- Je continue. Je ne suis pas venue ici pour seulement profiter de la vue. Si tu veux t’arrêter là, j’irais seule. Mais ce n’est pas l’impression que tu me donnes.
Elle s’interrompit le temps de laisser sa réponse prendre de l’ampleur. Elle jeta un regard indifférent au squelette le plus proche avant de reprendre :
- Quant à savoir ce qui les a tués… Ils n’ont pas eu l’air de fuir quoi que ce soit. Et les squelettes sont vieux, aussi vieux que les Xindelteks eux-mêmes peut-être… J’ai deux hypothèses, mais aucune n’est rassurante. Des émanations toxiques provenant des tréfonds de la grotte, ou alors une Vérité surpuissante. Cela expliquerait pourquoi les Xindelteks ont subitement disparu il y a presque trois cent cinquante ans.
La torche de Jaffer crachota une ou deux fois. Elle sentait sa lueur faiblir et n’appréciait pas du tout de laisser l’obscurité les aveugler. Alors si la Vérité se faisait plus puissante en ces lieux, pourquoi ne pas en profiter ? Elle illumina ses mains d’une lueur dorée qui fit scintiller ses yeux, les transformant de l’argent dur à l’or fondu. Il ne lui fallut pas longtemps pour réaliser que l’intensité était largement supérieure à ce qu’elle pouvait réaliser en temps normal. Pas avec si peu d’efforts en tout cas.
Elle se tourna ensuite vers Nialë, qui avait été horriblement silencieux depuis trop longtemps. Il avait un air dépité qui ne lui ressemblait pas. Elle pouvait comprendre. Il faisait nuit, ils étaient dans un boyau dans lequel il ne pouvait déplier ses ailes et l’ambiance était franchement flippante. Elle le prit alors dans ses bras avant de lui murmurer de douces paroles à l’oreille. Il redressa la tête d’un air indigné, mais elle insista. Il fit claquer son bec en signe de protestation et se redressa avant de sortir de la grotte en battant de la queue. Si quoi que ce soit devait arriver, elle préférait le savoir à l’air libre.
- Bon, ma question va sans doute paraître indiscrète, mais si on se lance là-dedans ensemble, je serais curieuse de savoir. Pourquoi tu tiens à visiter ces ruines ? Et comment tu as eu connaissance des Xindelteks à la base ?
Pour faire preuve de bonne volonté ainsi que pour éviter que le silence s’installe, elle continua :
- J’ai connu les Xindelteks quand j’étais petite, dans un livre de contes. C’étaient des mages très puissants et très secrets. Et puis plus tard, mon maître m’a appris qu’ils n’étaient pas qu’une légende et qu’ils avaient existé. Et je suis ici pour en apprendre plus sur eux et sur cet endroit.
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(#) Sujet: Re: Un crépuscule aux couleurs de Vérité