Orlack, aux premières lueurs de l'astre diurne. Une géante du nord, drapée d'une peau de tanflamm pardessus sa robe longue à bretelles en lin anthracite-argenté se rend discrètement au Temple de Simius, comme tous les matins. La cornue fait sa libation en levant au ciel une petite amphore de vin sacré, versant quelques gouttes du liquide au pied de la statue, puis le reste dans une vasque en onyx prévue à cet effet. Comme à son habitude, elle prie sa déesse de l'aider à garder son caractère, de protéger son frère où qu'il soit même si elle a encore de la haine envers lui. Sa prière terminée, Azalel se dépêcha de rentrer pour revêtir sa tenue de soldat et de prendre son khukuri en cristal de feu afin de se rendre aux entraînements.

Non mais regardez là celle-là ! Elle se rend auprès des soldats pour minauder !

Mais c'est la p'tite Saliaroch !

    Rien que ces phrases, c'en est trop pour elle. L'enfant de Simius se place vivement et discrètement dans le dos des deux.

Azalel Saliaroch, soldat de la famille royale, vous salue. murmure-t-elle sur un ton suave mais qui ne souffre mot d'une quelconque répartie.

    Rapidement, la femelle leur tranche la gorge et plante sa lame dans le coeur, laissant les corps sans vie dans la petite ruelle à l'abri des regards. Si elle ne se dépêche pas, elle va être en retard. Sur place, sans saluer quiconque, déjà bien énervée, choisit deux adversaires pour un combat. Le premier a le droit à un balayage qu'il n'a pas le temps d'esquiver, le second un bon coup de pied retourné dans l'estomac. La soldate de combat rapproché n'a pas encore sortie sa lame. Elle ne tue jamais ses frères d'armes sauf si ils lui manquent de respect ou si les supérieurs lui demandent. Après tout, malgré le déshonneur, eux aussi furent formés par Caleth. Ce sont de bons, de très bons soldats pour la plupart, bien qu'un peu désordonnés. L'entrainement dure toute la journée. Combat à mains nues, combat rapproché à l'arme, combat semi-distant, tout y passe.

    L'entrainement terminé, la fière relève de la famille rentre dans son tout petit chez soi. Ce n'est qu'à cet instant qu'elle remarque une défaillance dans son arme. Comme la liare ne supporte pas cela, seul souvenir de son aîné, elle se doit de la faire réparer. Un bon soldat est un soldat qui prend soin de ses affaires. Pas le temps de se changer, juste de quoi se "parfumer" à l'aide de fleur d'oranger. C'est dans sa tenue de soldat, bustier et pantalon noirs, qu'Aza' arpente les rues à la recherche d'un forgeron, se laissant guider par les différents bruits.

    La native de la Terre de Feu trouve enfin l'échoppe recherchée. Devant, un tout jeune liare est à accoudé sur un rebord de fenêtre à observer à l'intérieur.

Pourquoi n'entres-tu pas au lieu d'espionner ?

Mes parents me donnent pas le droit.

Et ils ont raison ça peut être très dangereux. dit-elle regardant derrière. Ça te dit de profiter qu'une fille soldat soit présente pour y entrer ? termine-t-elle par un clin d’œil.

    Quoi ? Azalel pousse à la rébellion ? A bien réfléchir... OUI. Tant et si bien qu'elle pose sa main griffue dans le dos du jeune pour le pousser à entrer avant elle. Le jeune en profite pour se mettre dans un coin, curieux. Quant à la femelle, elle, elle retire son khukuri caché contre son buste et le plaque sur le comptoir. Sans donner les détails de la fêlure afin de s'assurer du professionnalisme et de l'expérience du forgeron à réparer une telle arme.

Bien le bonjour forgeron. J'ai besoin de votre art pour ceci. dit-elle simplement en guise d'approche.

    Advienne que pourra. Elle n'a plus qu'à attendre ce que son interlocuteur a à dire. Elle espère que ce dernier n'aura pas peur de parler sans crainte. De ce qu'elle voit pour le moment est qu'il n'a pas l'air beaucoup plus vieux qu'elle.

-J'espère que vous et votre compagnon avez du temps devant vous, la forge doit monté en température avant que je puisse faire quoi que ce soit sur votre lame.

La liare se retourne et observe le tout jeune liare, regarde à nouveau le jeune forgeron. Elle remarque une chose très particulière. Quelque chose qui l'oblige à agir pour le moins étrangement dirait-on.

Petit ! Rentres vite chez toi. Je te promets que je m'arrangerai auprès du patron à ce que tu puisse revenir passer une journée à observer. Vite ! Ils vont s'inquiéter ! fait-elle en agitant vivement sa main .

Se retournant vers le mâle, la soldate le regarde droit dans les yeux et ne se gêne pas pour sauter sur le comptoir et s'asseoir dessus. Tout ça pour passer la main dans les cheveux de son interlocuteur. Bien entendu, l'enfant de Simius après ça, descend du comptoir pour revenir à sa place initiale.

Etes-vous un de ces... humains ? Vous... vos cornes... ! Vous êtes comme... noooon vous n'êtes pas comme mon frère. Ce n'est pas possible ! Je me serais souvenue s'il y avait eu un autre coupage de cornes.

Azalel recule vivement. Cela ne faisait pas encore assez longtemps pour elle. Elle n'a qu'une envie. Fuir. Pourtant, la curiosité la pousse à rester. On l'a tellement endoctriné qu'elle ne sait plus quoi croire. A première vue elle croit Azkiel, et son dernier instructeur. Mais au fond, croit toujours son aîné.

Revenons à nos affaires. Enfin... encore faut-il que vous n'ayez pas de problèmes avec moi. Comment ai-je abîmé mon arme ? Et attention ! Ne considérer pas cela comme un jouet ! Ceci m'a été offert par le meilleur des Commandants liare. Ne vous moquez pas. Ou alors c'est que vous ne connaissez pas la réputation des Saliaroch.

La voici que la cadette se met à tourner en rond, contenant sa rage. Des soldats arrivent dans la rue. Elle doit agir vite. Trop tard. Ils rentrent dans la boutique. Il est hors de question que ses frères d'armes aillent plus loin. Ses frères d'armes ? Ceux-là, elle ne les connait pas. Soit ils ne viennent pas de la capitale, soit ils ne sont pas de son unité. Mais quelle bande de liares bruyants ! C'est limite si Azalel n'en a pas mal de tête. Plus de doutes, ils sont ivres. Elle sait très bien ce qui va arriver si ces alcoliques notoires remarquent le jeune forgeron. La native ne contient plus sa colère. Mais surtout parce que les images du passé avec l'arrestation de son frère se superposent avec celles du présent.

Caleth... pardonnes-moi. murmure-t-elle simplement.

A peine a-t-elle le temps de murmurer que son sort de la colère s'empare littéralement d'elle. Des flammes rouges s'emparent de la soldate de la pointe des cornes aux pieds.

SORTEZ IMMÉDIATEMENT ! OU SUBISSEZ MON COURROUX ! râle-t-elle.

Les importuns ne comprennent rien à rien et veulent se battre. Sans se contrôler, à trois pas des portes de la forge s'ensuit un combat à trois cornus contre une liare enflammée en colère. Mais le combat ne dure pas une éternité que les trois soulards finissent par prendre la fuite. La cadette ayant un reste de conscience, retourne vers le jeune liare. Mais s'effondre sur le pas de la porte, vidée d'énergie.

Une plaine de lave, une montagne faite que de feu, un ciel de nuit sans lune ni étoiles. Est-ce là qu'habite notre déesse mère Simius ? Tandis que je plonge dans la lave pour me baigner des tanflamm feulent. Quoi ? trois mâles m'attendent de l'autre côté de la plaine. Azkiel ? Que fait-il là ? Cela fait un moment que je ne l'ai pas vu. Un liare sans cornes ? Non un humain apparemment, mais je suis trop loin pour le voir complètement. Et mon aîné qui me tend les bras. Quoi ? Caleth a ses cornes !?! Mais où suis-je ? Pourtant la lave est si chaude que je me sens si bien et je veux les rejoindre. Pourquoi me sens-je transportée par quelque chose que je ne vois pas ? Je lutte. Je ne veux pas aller vers le ciel nocturne sans lueur. Je veux rester avec mon frère. La déesse me murmure à l'oreille que ce n'est pas l'heure de les rejoindre et que je dois me réveiller... Maintenant !

    Non Azalel n'entend pas les premières paroles du jeune forgeron car était dans les brumes de l'inconscience. D'ailleurs elle aurait bien aimé y rester, mais s'est résignée avec l'impression d'avoir entendu la voix de celle qu'elle aurait aimé être sa fille. La jeune soldate ouvre ses yeux ambres légèrement en amandes. Une fois, deux fois. Puis termine par écarquiller les yeux en voyant le mâle né sans cornes. Tout lui revient petit à petit. Les soldats, sa Vérité de colère faisant des siennes voulant protéger le forgeron comme pour avec son frère, puis la perte de connaissance.

Etre né sans cornes vaut mieux que de se les faire couper ! Croyez-moi. Mieux vaut être un paria qu'un parjure ! Vous au moins vous n'avez pas à redorer la réputation de votre famille ! Si ?

    Tandis que la Géante s'adresse à son interlocuteur, elle se rend compte peu à peu qu'elle est sur le comptoir dans le plus simple appareil.

Vous... n'avez pas osé ?! parle-t-elle froidement.

    Puis, rapidement, la cornue descend du comptoir pour s'accroupir derrière. Il ne manquait plus que ça. Comment va-t-elle rentrer maintenant ? Surtout que la peau de tanflamm est restée étendue sur sa couche.

Oui, elle est tout pour moi. Cette lame m'a été offerte par mon frère. Voilà pourquoi je suis exigeante.

    Heureusement que ledit Tharivor allume sa forge, comme ça, elle a moins froid. L'enfant de Simius en profite pour observer le mâle dans les moindres détails. Des muscles raisonnablement saillants, des cheveux noirs pas vraiment soignés. Entre temps, y a-t-il beaucoup de liares qui prennent soin d'eux ? Mais lui là, celui tournant le dos à la tête de mule, prouve qu'il aime ce qu'il fait. Sinon, il aurait déjà bâclé son travail. Néanmoins, il n'a pas l'air d'avoir peur de son interlocutrice. Tant mieux. Cela pourrait promettre dans les proches événements.

Si vous aimez votre métier, pourquoi voyagez-vous ? Je croyais que la famille royale nous interdit de sortir de nos terres ?

-Je ne sort pas des terres de notre peuple je fais des voyages entre villages en portant des messages ou des ressources. Pour ce la question du paria ou du parjure, je ne peux pas me permettre de dire que l'un ou l'autre est le plus a plaindre, mais dit vous que votre famille est encore présente pour vous, la mienne fait comme si je n'était jamais née.

    Si Azalel connaissait le rire, elle l'aurait fait. En lieu et place, la jeune femelle se met à avoir un sourire si large, qu'on aurait pu dire qu'elle l'a jusqu'aux oreilles sans montrer ses dents bien entendu.

Ma famille ? Présente pour moi ? Vous plaisantez j'espère. Que pouvez-vous dire d'une mère qui s'efface, d'un père rentrant souvent ivre et qui trompe sa femme ? Sans compter le frère aîné qui vous élève considéré désormais comme un paria, un exilé. Nooon mes parents pour moi sont notre déesse la sulfureuse Simius, et mon frère.

    Le ton qu'elle utilise pour répondre au forgeron est à mi-chemin entre l'amusement et la honte lorsqu'elle parle de ses géniteurs. Néanmoins, la fierté ressort quand elle parle de son frère et de la déesse.

    Tharivor lui lance une peau de tanflamm sans répondre à sa question. La soldate n'a aucun mal à rattraper l'objet au vol tout en réfléchissant. Oui une liare peut réfléchir, et croyez-moi, pour une jeune femme soldat, il vaut mieux. S'il n'a pas répondu à sa question, c'est qu'il n'a pas abusé d'elle. Donc, c'est que sa Vérité s'est amusée à faire des siennes. Alors que la Géante du Nord regarde alentours afin de s'assurer l'absence de dégâts, celle-ci  drape la peau autour de son buste. Pas de traces de brûlures, profondes ou superficielles. Ce qui est loin de déplaire à la cornue.

Vous pouvez vous permettre de me poser n'importe quelle question. Je ne suis pas comme mes frères d'armes. Je ne vous enverrai pas voir ailleurs. Sauf si une quelconque malveillance venait de votre part. rétorque-t-elle alors qu'elle n'a pour inquiétude que l'état de sa lame. J'ai à la fois voulu suivre le chemin de mon frère et je n'avais pas trop le choix non plus. Je viens d'une famille ayant connu l'honneur d'être les plus grands guerriers. Caleth ne connait rien d'autre que l'art du combat et comme c'est lui qui m'a élevée...

    Oui, tout cela, la cadette en parle sans quitter le forgeron du regard. N'aimant pas rester sans rien faire, Azalel se remit à marcher dans la forge. Demain, elle doit prendre la route pour Mainstok selon les dernières rumeurs. Distraitement, la liare passe l'ongle de son index droit sur l'arrête nasale pour y penser plus en détail. Faire équipe... en voilà une drôle d'idée, mais après tout, pourquoi ne pas proposer au forgeron de l'accompagner. Après tout, il dit voyager, donc il a sûrement des repères que la soldate n'a pas.

Vous accepteriez de m'accompagner pour une mission ? Vers Mainstok.

    Non mais quelle sous-douée celle-là. Tellement peu douée qu'elle met les pieds dans le plat ne sachant pas comment proposer ni si il accepterait ce genre de chose. Après tout, pourquoi s’embarrasser des futilités ?

    La seule chose que la cendrée fait attendant que son interlocuteur réponde, c'est de contrôler ses mouvements, de peur que sa Vérité ne fasse encore des siennes. Il manquerait plus qu'il se rende compte qu'elle ne contrôle pas ses capacités. Non. Aza' ne veut pas devoir à le tuer si jamais Tharivor se moque d'elle.