Le jeune tortionnaire était sorti de l'Académie depuis quelques jours à peine. Comme il s'y attendait, il avait quasiment aussitôt pris son poste et ses fonctions, investissant dans le même temps les bureaux et les appartements qui lui avaient été alloués. Il avait fait quelques changements par rapport à ce que ses prédécesseurs lui avaient laissés. Il les avait notamment accordé avec l'austérité de façade qu'il avait commencé à se forger ces dernières années.
Son lieu de travail principal, la salle de torture, avait été dénudée à l'extrême : de tout l'attirail dans un camaïeu de métaux rouillés, il ne restait que deux chaises dont le confort, ou plutôt l'absence de confort, ne faisait pas de doutes, bien que l'une soit plus enviable que l'autre. La première était une chaise sobre en osier terne et vieilli, qui lui était destiné, à lui et à l'éventuel repos dont il aurait besoin durant les séances. L'autre était couverte de chaînes en acier, de sangles en cuir aussi usé que résistants et de générations de sang versé pour un résultat composés d'hurlements d'agonie et de secrets inavouables. Le tout lui avait donné une teinte entre le marron sale et le noirâtre, accompagnée de la puanteur de la Mort elle-même. Il avait fermement refusé qu'on la lave ou qu'on la change, appréciant son caractère aussi angoissant pour son occupant que les murs de pierres poussiéreuses et sombres, où seul s’agrippait maintenant, sur le pan du fond, un porte-chandelle situé à l'emplacement exact pour avoir assez de luminosité pour voir l'horreur présente et assez peu pour craindre le pire à venir. Aucune fenêtre, le plafond bas, tout, y compris Ode, était prévu pour torturer psychologiquement.
Pour autant, ses appartements, constitués sobrement de trois pièces dont deux plutôt exiguës, n'étaient pas plus chaleureux. L'absence d'effets personnels, du probablement à l'absence de vie privée, était marquante. Dans la pièce principale, un lit, pas des moins agréables ceci dit, une cheminée, une réserve de bois et un grand coffre en bois contenant la plupart des possessions d'Ode, autant dire presque rien. Dans la pièce au fond à gauche était son bureau. Une chaise en bois, une table en bois, des étagères en bois, le tout vide mis à part une pile de feuilles blanches, une plume et de l'encre qui n'avaient même pas été encore utilisée. La dernière pièce, au fond à droite, servait pour ses ablutions matinales, avec le strict nécessaire.

Ode était donc dans son bureau, accoudé à la fenêtre, regardant le paysage. On lui avait laissé trois fois plus de temps qu'il ne lui fallait pour ranger ses affaires, une fois qu'il eut jeté en tas les quelques robes et caleçons qu'il avait, il n'avait fait que flâner paresseusement dans les différentes pièces en attendant les ordres suivants.