Messaline congédia rageusement ses conseillers. La réunion ne s’était pas déroulée comme prévue. Elle avait beau avoir plus de pouvoir que n’importe qu’elle reine avant elle, elle était toujours entourée d’incapables, ce qui avait le don de la plonger dans une rage folle.

Elle aurait bien arraché quelques têtes à mains nues ou recouvert le monde de lave pour se détendre. Malheureusement cela était, dans l’immédiat, impossible, même pour elle. Néanmoins le roi rentrait de campagne ce soir et il fallait absolument qu’elle soit détendue et complètement maîtresse d’elle-même. Elle ne pourrait pas se permettre la moindre erreur. Sans le soutien du roi, le titre de reine ne valait rien. Il fallait donc qu’elle se comporte en épouse qui n’avait à cœur que les intérêts de son mari lorsqu’il était là, et il lui fallait pour cela une concentration et un calme à toutes épreuves.

N’étant pas en mesure transformer tout Madelle en un gigantesque brasier, Messaline se rabattit sur un bain de lave. Tout en gagnant ses appartements elle demanda au chancelier qui se trouvait dans les lacs et dans quels lacs. Le but était de se relaxer mais elle pourrait toujours y trouver quelqu’un d’intéressant, alors autant faire d’une pierre deux coups. Il n’y avait pas mieux qu’un bain de lave pour forger une nouvelle alliance… ou pour régler le compte d’un noble trop sûr de lui.

Alors qu’elle s’apprêtait à sortir de ses appartements après avoir passé une tenue appropriée pour les lacs de lave, c’est-à-dire le moins possible de peau couverte, le chancelier revint avec les informations requises. Pas grand-chose à se mettre sous la dent si ce n’est un certain Caleth Saliaroch. Ses nombreux exploits sur le front lui conféraient une notoriété toute récente.

Messaline le suivait de loin comme tous les guerriers qui se montraient plus talentueux que les autres. S’il y avait bien un domaine où son pouvoir n’était pas absolu, c’était l’armée, normalement réservée au Roi. Toutefois Messaline s’était efforcée au cours des années de s’assurer le soutien des plus puissants guerriers et combattants du royaume. Elle avait ainsi réussi à avoir dans l’armée intérieur bon nombre de hauts gradés à sa botte. Certes elle n’avait pas réellement besoin d’autant d’hommes. L’armée du roi n’était pas sous ses ordres mais était dans son camp tant qu’elle ne se mettrait pas le roi à dos, de plus elle était relativement en sécurité au sein du palais.

Oui mais voilà, la reine avait vite compris que la paranoïa n’était pas un défaut mais une manifestation de son instinct de survie. C’est pourquoi elle voulait pouvoir compter sur le plus de guerriers possibles. On ne savait jamais ce qui pourrait arriver. Les tentatives de coup d’Etats étaient de plus en plus rare mais mieux valait être préparée à toute éventualité.
Guidé par deux soldats de confiances, elle se rendit donc dans la zone des lacs de lave. Le fameux Caleth avait choisi un lac plutôt tranquille, un peu excentré, ce qui était parfait pour Messaline. Elle fit signe aux gardes de rester dans les parages. Pas pour sa sécurité, mais plutôt pour qu’ils s’assurent que personne ne viendrait déranger la reine pendant son bain.

Sans chercher à se faire discrète, la reine s’approcha du lac. Elle ne voyait pas Caleth qui était de dos mais pénétra lentement dans la lave, profitant de la sensation si agréable du magma sur sa peau. C’était exactement ce qu’il lui fallait pour se détendre. Si elle pouvait mettre le jeune combattant dans son camp, alors sa journée n’aurait finalement pas été vaine.
Guettant discrètement les réactions du liare elle sourit en le saluant brièvement.

« Bonjour, j’espère que je ne vous dérange pas ? » au contraire, la reine espérait bien le déranger assez pour qu’il la rejoigne !

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Le jeune guerrier ne semblait pas trop intimidé. Apres un court moment d'hésitation il lui demanda même si elle était la pour se détendre, s'adressant a elle sans familiarité, mais sans respect outrancier. Messaline sentit qu'elle pourrait l'apprécier. Au début de son règne elle s'était délectée de la crainte qu'elle inspirait aux autres, se satisfaisant avec allégresse de leur respect hypocrite force par la peur. Néanmoins elle avait vite. Comprit le piège dans lequel elle s'était enfermée : la solitude. Jamais une personne honnête, jamais quelqu'un pour exprime son point de vu, elle s'était retrouvée complètement isolée, par sa propre faute. la solitude est l'apanage des plus puissants et la reine se résigna donc a la solitude si c'était le prix pour être crainte et respectée de tous. Malheureusement et de façon assez paradoxale, la solitude n'est pas seule, elle est accompagnée de l'ennui. Et ce fut lui le plus grand ennemis de Messaline. Les courtisans avec leurs courbettes leurs faux sourire et leurs flatteries sans fondements l'ennuyaient profondément. Elle était plus que satisfaite d'être surnommée la reine sanguinaire et d'être considérée comme un adversaire redoutable. Toutefois a force de se battre sans cesse ces opposants étaient devenus rares, ou alors bien mieux cachés et plus rien ne la préservait de l'ennui, bien plus dur a supporter que la solitude.

Elle fut donc agréablement surprise par l'attitude assez détachée adoptée par Caleth, et décida de lui répondre avec franchise... Dans la mesure du raisonnable.

" Oui, exactement. Les joutes verbales et conflits politiques sont pour moi les plus harassants de tous les combats.

Mais il en va peut être autrement pour vous... ?"

S'enquit-elle en haussant les sourcils. Elle savait exactement qui il était puisqu'elle était venue ici pour le rencontrer et il se doutait peut être qu'en tant que reine elle ne rejoignait pas n'importe quel inconnu dans son bain de lave. Certaine guerriers liares étaient aussi intelligents et perspicaces que brutaux. Cependant, elle aimait laisser le soin a ses interlocuteurs le soin de s'introduire. En effet la façon dont ils s'y prenaient était parfois plus parlante que le rapport le plus complet de ses espions et elle pouvait ainsi en apprendre beaucoup sur la personnalité du liare en question.

Décidément, il était vraiment bien celui-là songeait la reine liare, tout en se délectant de la jouissive sensation du magma sur sa peau.

Bien qu’il n’ait pas répondu à sa question, il lui avait donné toutes les informations dont elle avait besoin ! En refusant de se présenter et en répondant de la sorte il mettait en évidence son agressivité naturelle et indiquait sa forte propension à la violence. De plus, cela prouvait aussi qu’il était doté d’une certaine intelligence et de vivacité d’esprit, ce qui était déjà plus qu’une bonne partie des soldats. On recrutait sur la force, pas sur la réflexion. En bref, il était un parfait petit guerrier liare. Plus si petit que ça en réalité. Ses récents exploits avaient réellement impressionné et Messaline qui gardait toujours un œil attentif sur l’armée, cette partie du pouvoir qui lui échappait encore pour la plus grande partie, avait entendu nombres de critiques élogieuses à son sujet.  

Une réputation de féroce guerrier qu’il n’avait apparemment pas usurpé. Peu de liares osaient lui répondre de la sorte. En public elle l’aurait surement très, très mal pris, mais en l’occurrence, le jeune soldat l’amusait. Or, l’amusement était, pour la souveraine sanglante, une chose assez rare pour qu’elle fasse tout pour en profiter au maximum dès que l’opportunité se présentait à elle.

Caleth lui plaisait. C’est de ce genre de liares, intrépides et violents dont elle avait besoin dans son camp. Le tout était désormais de s’assurer son soutien.

Jouant distraitement avec la lave en fusion elle répondit sur un ton un peu joueur :

« Ce qui est certain, c’est que vous n’avez pas volé votre réputation ! Ce qui je présume répond à votre question. En effet, j’ai eu vent de vos divers exploits sur le champ de bataille. Ce qui n’est guère rassurant pour vous. Le nombre de vos ennemis grimpe avec autant de force et de vitesse que votre réputation, croyez en mon expérience »

La reine était redevenue plus sérieuse et se rapprochait du guerrier parlant, plus bas :

« Et vous vous baignez ici, seul. Une telle imprudence n’est-elle pas suicidaire ? à moins que vous soyez si imbu de votre force que vous soyez sûr de pouvoir repoussez n’importe quel assaillant, peu importe le nombre et la violence ?
Ne niez pas, tout le monde sait que les généraux du roi s’occupent vite des guerriers trop prometteurs pour conserver leur place » termina-t-elle sur un obscur sourire

Messaline ne put s’empêcher de rire à la dernière déclaration du soldat !

« Vraiment c’est un vrai plaisir de discuter avec vous ! Des faibles ! »

Elle appréciait vraiment le jeune liare, rarement avait-elle croisé autant de témérité chez l’un des sujets du royaume. Elle pouvait d’ors et déjà conclure que sa bravoure ne l’abandonnait pas lorsqu’il n’était pas sur le champ de bataille. Après tout il fallait avoir un sacré courage pour insulter les généraux devant la reine. Ou alors il savait ou bien avait déduit qu’elle ne portait pas dans son cœur les fidèles de son époux. Dans tous les cas elle convoitait désormais le jeune guerrier comme on convoite une friandise d’iradies.

Elle se tut quelques instants plongée dans ses réflexions alors que Caleth s’écartait légèrement. Son interlocuteur ne semblait pas étouffer par la loyauté envers le roi exigée de tous les liares, ce qui allait plutôt dans les sens qu’elle souhaitait. Toutefois cela montrait un esprit fort, assez indépendant, ce qui pouvait se retourner contre elle. Néanmoins, vu la franchise et la témérité de Caleth, Messaline était persuadée que pour le convaincre de rejoindre sa « garde officieuse », seule une confrontation frontale avait des chances d’aboutir. Il était le type de liare qui ne répondrait qu’à la force et n’accorderait son attention réelle qu’à ceux qu’il en jugerait digne, le rang social important peu. L’attaque frontale et directe était donc sa meilleure chance, bien que cela puisse également se retourner contre elle.

Messaline se rapprocha de lui et annonça, sur un ton conspirateur :

« Vous voyez cela comme une faiblesse, mais c’est grâce à cette paranoïa qu’ils sont toujours  en vie. A leur place, quiconque ne ferait pas preuve de la même  méfiance, aussi ridicule soit-elle, ne ferait pas de vieux os. Mais je ne vous ai pas rejoint ici pour vous parler des toutous de mon époux.
Non, en vérité ce que j’ai entendu de vous et ce que je viens de constater moi-même m’ont séduites ! Que diriez-vous de travailler pour moi, plutôt que pour le roi ?»

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