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Madelle | Forum RPG Heroic Fantasy
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Les raisons de la douleur

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Message(#) Sujet: Les raisons de la douleur Les raisons de la douleur Icon_minitimeSam 3 Déc 2016 - 21:39

Pourquoi fallut-il que ce fût précisément ce jour-là, à cet instant précis, que tout se produisît par le plus grand des hasard et comme si tout eût été manigancé par quelque fortune extraordinaire ? Ah lecteur, que je suis troublé de vous devoir répondre! Car à moi-même la chose me paraît improbable, impossible même, tenant de ressorts merveilleux, et même à vrai dire relevant de causes si insolites qu'on les pourraient croire fabuleuses. Pourtant, toute cette histoire est somme toute d'une banalité affligeante, c'est une affaire tout à fait triviale, particulièrement ordinaire, vraiment, croyez-moi vous l'avez entendue déjà cent fois en d'autres termes, et certainement en des propos mille fois plus flatteurs. Mais cette histoire à ceci de particulier qu'elle est la mienne propre et elle a ceci de singulier qu'elle s'est déroulée en des circonstances fort singulières. De quoi est-il question? Vous le saurez tout à l'heure. Quelles sont les raisons qui font de ce récit un récit extraordinaire? C'est qu'il est d'une étonnante banalité. Quant au reste, je vais vous le narrer aussitôt.

C'était un de ces jours gris, laid, pluvieux et brumâtre. Un ce ces jours où la terre transpire de froid, exhale un brouillard blanchâtre qui s'épand dans l'air comme des lambeaux de toile d'araignées, un jour de glace, un jour d'effroi, un jour funeste. Il est de ces journées dont le temps est élastique et semble s'étendre à n'en plus finir; les heures y sont molles, lentes, insoutenables; on étouffe à chaque pas, on est moite, le tête vous tourne, le coeur s'affole, la cervelle faiblit. Ces atmosphères si particulières sont toujours le présage de quelque désastre et ont un effet immédiat sur tous les cœurs un peu sensible ou sujets aux fantaisies de l'imagination. Les uns voient des ombres derrière les ombres, des formes où il n'y a rien, des mouvements où il n'y a qu'une inquiétant stabilité, des yeux dans la pénombre, des cris dans le silence! Des créatures fantastiques sont à tous les coins de rue, les regards sont inquiets, les nuques angoissées; La terre paraît un vaste tombeau, les murs sont des sépulcres; Ah! Que ces jours là sont insupportables!

Par quel hasard étais-je dehors à ce moment précis ? Il m'est impossible de vous le dire avec certitude. J'errais avec un aplomb des plus certains. Que cherchais-je? l'aventure. De quelle sorte? La plus sordide qui soit. Il y'a de ces sortes d'aventures qui vous font frémir d'angoisse jusqu'au fond de l'âme mais qui, aussi effroyables soient-elles, ont l'irrésistible attrait des choses interdites. A y songer on se pâme, a le tenter on frémit; Mais la tentation du danger finit toujours par vaincre.

Quoiqu'il en soit, j'errais. Plutôt je cheminais; loin d'être sans but je me sentais d'humeur à accomplir quelque exploit de renommée, à tenter les plus grandes actions afin de parvenir aux plus hautes gloires, un en mot j'étais d'humeur héroïque. Or un bruit courait de par le monde, une rumeur semblable au vent perfide qui se plait à siffler dans les oreilles des plaintes inopportunes, et qui m'avait alléchée pas ses allégations. Quelles étaient-elles? On y parlait d'esclavage, de tourments, de torture. On y évoquait les sévices d'une âme raffinée mais perverse, les désirs dénaturés d'une engeance sublime par la race mais atteinte d'une sorte de maladie, de folie pour tout dire, qui conduisait celle-ci aux extrémités les plus effroyable. Cependant, par un hasard tout à fait curieux, nul ne savait jamais rien de précis: Qui avait ouïe dire, qui était informé, qui savait pertinemment, qui avait une parfaite connaissance de la chose mais n'en savait dire davantage, qui exagérait, qui niait véhément dissimuler que que ce fût; enfin tout le monde bavardait, et nul ne disait rien.

Ce hasard m'avait convaincu de m'aventurer jusqu'à X, lieu de sa résidence où, disait-on, on était reçu délicieusement. Je m'y aventurais donc sans tarder; ce qui advint durant le temps du mon voyage, lecteur, ne regarde que moi. Voudriez-vous donc tout savoir? Est-ce parce que mon histoire vous plaît que je vous dois tout révéler? Ah, lecteurs, que vous êtes exigeants! Que ce désir est vain et pénible à mon âme! Je ne vous connaissais pas ces inclinations ! Mais allons! Il faut ménager en tout son public, à moins d'être destitué du son rôle; Aussi  peut-être brosserai-je de toute cette histoire un tableau imparfait mais plaisant.

Donc je parvins à X un de ces jours gris, laid, pluvieux et brumâtre. Un de ces jours où la terre est de marbre et où le ciel est blanc comme un linceul; les arbres même semblaient pleuraient, leurs longues branches ployant au sol. Les maisons étaient tristes, les reflets blafards que jetaient les vitres dans l'air étaient leurs larmes. Quant à moi, bien que l'atmosphère funeste me fît éprouver une crainte sourde, j'allais d'un pas vif. X était une petite bourgade composée d'un bourg cossu autour duquel s'étalaient inégalement un ensemble de petits bouges où s'entassaient de familles pauvres qui vivaient de travaux irréguliers que leurs demandaient quelques riches propriétaires terriens. Tous avaient de fortes mines, des visages déformés, hâves, sillonnés de rictus qui voulaient être des sourires, des corps aux muscles saillants qui n'en cachaient pas la maigreur; et puis des prunelles! Des prunelles fauves, ou brunes, ou noires, ou même rouges d'avoir faim et d'être misérable ! Des prunelles de désespoir, des yeux de miséreux.
J'arrêtai l'un d'eux, un homme de grande taille, le ventre énorme mais flasque, le menton large, les joues creusées, les épaules larges et nues. Je lui demandai la résidence des Sombresang; Il me comprit mal. Sa trogne énorme s'ébranla et m'annonça d'une voix de centaure qu'il ne connaissait rien à ce 'sabre de sang'. Je réitérais. Il crut à quelque offense et se mit à gesticuler, à faire beaucoup de bruits, à médire, injurier, et à n'écouter résolument plus rien. Ivre de colère il titubait à n'en plus pouvoir, jurait ses grands dieux que tout cela était fort ridicule et qu'il n'était pas décidé à se laisser embobiner par une 'sacrebleu de gamine de la ville' et qu'il n'hésiterait pas à lui montrer ce dont il était capable. Je tentai de calmer ses ardeurs belliqueuses, mais plus j'y m'y attachai, plus il s'attachait à celle-ci; Ces vociférations attroupèrent des badauds; un joyeux attroupement se forma, on ne savait plus qui parlait qui vagissait, qui hurlait qui clamait, mais le brouhaha eût pu durer bien longtemps si je ne m'en étais éclipsée à la première occasion.

Ces premières aventures aiguillonnèrent mon appétit d'épopée: j'en voulus davantage et je me piquai à trouver la demeure que je cherchais moi-même. Je ne quémandais plus de renseignements, je les trouvais moi-même. Je furetais par çi, fouinai par là, remontai une rue, en descendit une autre bifurquai à gauche, puis à droite, parcourut des rubans misérable de ville. Par un miracle de l'esprit humain, je finis par dénicher le lieu dit.
C'était un manoir énorme. De hautes haies en délimitaient le contour tandis qu'une très longue allée, droite et très propre, courrait droit du portail jusqu'au perron; derrière l'imposante bâtisse un bois d'arbres noirs s'étendait à perte de vue. Quant au manoir en lui-même je vous laisse, amis lecteurs, vous en faire la représentation que vous souhaitez. Je dirai simplement que c'était un manoir tel qu'on en imagine dans les contes. Un vaste perron à double entrée, de vastes fenêtres en serlienne, un porche à l'antique, un fier toit de tuile noir et des rideaux pourpre aux fenêtre.
Je m'avançai. Un domestique -supposé-je- m'accueillit. C'était un grand gaillard, très blond, au regard perçant et au visage anguleux. Je notai qu'il était extrèmement pâle et que, bien qu'il fût par maints caractéristiques d'une étrange beauté, il n'en était pas moins d'un charme tout à fait irrésistible. Cependant, sa voix abritait comme un trouble; il parlait en baissant les yeux, comme fâché par quelque pénibles pensées, et d'une voix monocorde, détachant distinctement toutes les syllabes. On eût dit un automate. Il me demanda qui j'étais et ce que je voulais. Je lui répondis très franchement que mon nom n'avait pas d'importance et que j'étais poétesse. Il grimaça.


- C'est que votre nom est d'importance tout de même, vous comprenez bien que notre maître n'accueille pas n'importe qui, déclara-t-il en articulant chaque mot très lentement. Et puis poétesse, est-ce vraiment un métier honorable? Non... Vraiment... Mademoiselle, cela est fort fâcheux... Avouez que tout de même ...

-Comment cela fort fâcheux? Lui répondis-je. Vous n'aimez pas les poétesses, par ici?


-Non, vraiment, vous vous trompez mademoiselle... -puis-je vous appeler comme ça?- Ah mon dieu que c'est embarrassant! Nous n'attendions pas de visite, et puis cela ferait du tracas. Comprenez-vous? Comprenez vous? Non, il vaudrait sans doute mieux que ...

-Oh! Je comprends! Je comprends tout!  tout ce que je comprends, monsieur, c'est  que vous mésestimez mon métier et que vous ne voulez pas de moi pour cela! Tout le reste, monsieur, c'est de la fumisterie! Tout ce que je demande, c'est un entretien! Un simple entretien. Rien de plus. Est-ce si difficile? Allons, est-ce si difficile? tout cela parce que vous me voyez comme une gêne. Vous êtes d'une impolitesse! D'une impolitesse!

Il devint rouge, se mit à me fixer avec stupeur, comme s'il s'étranglait. Ses mains se tordaient l'une contre l'autre; un tic violent agitait sa lèvre supérieure.

-Ah vraiment! Vraiment C'est cela? répété-t-il plusieurs fois. Et bien nous allons voir! Vraiment... Vous l'aurez voulu n'est-ce pas? N'est-ce pas que vous l 'aurez voulue ? Mademoiselle tout cela sera de votre faute. Suivez-moi donc. Allons suivez-moi! Suivez-moi! Ah! ce n'est plus le moment d'hésiter désormais!

Je ne prêtai guère attention à ses paroles énigmatiques qu'il répétait comme une litanie ou comme une obsession. Il me regarda d'un air hautain et très effrayé; il était maintenant devenue d'une pâleur diaphane et on voyait ses mâchoires se contracter. Il s'en alla brusquement, et m'intima de le ; j'obtempérai aussitôt.

D'un pas vif et sans prononcer un mot il remonta toute l'allée veillant à ce que le suivît. Il me fit gravir les marches du perron, m'introduisit par le porche et me fit monter à l'étage. Puis, il ouvrit la porte d'un cabinet qui sentait fort et était très sombre, et m'y introduisit. D'un geste, il m'indiqua un fauteuil dans une encoignurLorsque je fus assise il me jeta ces mots avec une morgue dédaigneuse:

-Attendez-ici, le maître recevra quand il le voudra bien.

Puis, il claqua des talons et s'en fut.
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