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Madelle | Forum RPG Heroic Fantasy
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Que le ciel nous tombe sur la tête

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Rhys Songsteel

Rhys Songsteel

Le Renard d'Arnlo

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Message(#) Sujet: Que le ciel nous tombe sur la tête Que le ciel nous tombe sur la tête Icon_minitimeMar 10 Avr 2018 - 11:16

Que le ciel nous tombe sur la tête


Le 23 Daeymo 1248

Un nouveau coup de tonnerre retentit, ne faisant plus sursauter que quelques personnes malgré sa proximité alarmante avec l'éclair que l'on a vu déchirer le ciel à peine quelques secondes avant. L'ambiance dans la salle principale de l'auberge est glauque à souhait, à l'image de la luminosité extérieure depuis le début de la pluie. Ce qui s'annonçait comme un banal orage estival dure maintenant depuis plusieurs heures et semble bien parti pour de transformer en véritable tempête. Je sirote mornement une bière insipide, assis au comptoir. Le gérant n'est pas de meilleure humeur que ses clients, et toute conversation a été tuée dans l'oeuf depuis longtemps. J'ai bien essayé d'égayer la soirée avec quelques chansons, mais l'impression de jouer face à une armée de tabourets vides m'a vite fait comprendre que c'était me fatiguer pour rien. Ce n'est pas aujourd'hui que je vais pouvoir négocier le prix de ma chambre avec la musique.

Englué dans l'ennui, j'essaie pour le supporter de me rappeler pourquoi je suis ici, mais étrangement cela ne m'est d'aucun réconfort. Cela ne fait que souligner le fait que je suis coincé dans une auberge miteuse, empêché de poursuivre mon but par un orage apocalyptique. Un nouvel éclair, un nouveau coup de tonnerre quasi instantané. Je grince des dents. Je n'ai jamais particulièrement craint les tempêtes – la Plaine Isolée n'en manque pas, et il est plus facile de relativiser sur leur potentiel de destruction lorsque l'on a une maison construite par le meilleur architecte du continent qui ne menace donc pas de s'effondrer ou de prendre l'eau. Cependant je dois bien avouer que celle-ci est d’une violence qui n’a rien de rassurant.

Je regarde les clients autour de moi. Outre leur visage de trois pieds de long, ce qui les caractérise tous semble être la boue qu'ils ont traîné avec eux sur leurs vêtements. J'en ai du mal à les situer. Je pense que ce sont surtout des artisans du village, mais c'est difficile à dire. Ils sont tous gris et ennuyeux. La seule qui se démarque un peu est une jeune femme à la chevelure rousse flamboyante. Je n'ai pas l'impression de l'avoir remarquée un peu plus tôt, mais je ne l'ai pas non plus vue entrer. J'étais tellement concentré sur…sur rien, en fait. Je crois que mon esprit s'est totalement vidé pendant quelques minutes, comme au lendemain d'une soirée trop arrosée, et j’ai dû perdre quelques minutes de ma vie. Enfin, elles sont toujours moins gâchées dans les méandres de l’oubli que dans cette auberge.

Avec un soupir à fendre l'âme, je fais signe à l'aubergiste de me donner un autre morceau de son pain, qu'il vend comme du jour mais qui ne peut être que de la veille au moins. La nuit va être longue, surtout si le tonnerre nous empêche de dormir. Pourtant, mon plus fort souvenir de la vallée était plus… vivant, puisque je pense à cela. Il est étrange de se dire qu'un trou de mémoire peut constituer un souvenir, mais cela semble être le cas, finalement. L'image du visage perdu du marin – dont je n'arrive pas à me rappeler du nom immédiatement – me fait sourire discrètement, dissimulé dans ma chope.
lumos maxima
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Sylhuna Chantétoile

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Message(#) Sujet: Re: Que le ciel nous tombe sur la tête Que le ciel nous tombe sur la tête Icon_minitimeSam 14 Avr 2018 - 15:14


Son pied, de botte de cuir chaussé, glissa dans la flaque, se tordant brusquement alors qu’une aspérité du terrain se dissimulait adroitement dans l’eau sombre. Avec un léger couinement de douleur, Sylhuna bascula sur le côté, se rattrapant de justesse pour ne tomber qu’en douceur dans l’herbe tendre. Un juron silencieux, quoi que pensé fortement, plus tard, elle s’assit correctement, ôta sa chaussure et se massa doucement le pied endolori. En profitant pour souffler un peu, elle appuya un bras sur son genou relevé, admirant la vallée calme et ensoleillée. La journée était belle, les températures clémentes. Silence. Rien ni personne, elle était seule… et cela lui plaisait. Un vent doux, bien que forcissant, soufflait sur la plaine verte qui ondulait en vagues émeraudes. Le soleil était haut dans le ciel, lançant ses rayons aventureux sur la terre avide de sa chaleur. Et pourtant, alors que la jeune femme contemplait, apaisée, l’étendue déserte, une goutte d’eau fraiche lui tomba sur la main. Levant celle-ci à hauteur des yeux, elle la dévisagea d’un air mauvais, la défiant presque d’inviter ses camarades ; ce qu’elle fit quelques secondes après, alors que la Récleyès rejetait la tête en arrière, à la recherche des nuages coupables d’un tel affront. Lui tombant sur le front, la larme céleste glissa sur sa tempe lentement, laissant sur sa peau un indicible frisson de fraicheur. Ses mires de pâle fumée aux reflets azurés se posèrent sur les nuées qui la surplombaient, s’assemblant lentement en un sinistre présage de quelques averses glacées. Sublime spectacle que ces arabesques cotonneuses qui s’entremêlaient en d’extraordinaires jeux de lumières et d’ombres, que ces éclats d’argent blanc qui dansaient avec les nuages gris dans la salle de bal au bleu profond. L’air semblait se charger petit à petit de l’électrisante sensation que procure un orage d’été qui approche à grands pas, quelques roulements de tambour commençant à se faire entendre dans le lointain. Bientôt viendrait la danse des éclairs… mais d’ici là, il lui faudrait se trouver un abri, car elle n’atteindrait pas Krik de sitôt. Et la pluie fine qui commençait à tomber semblait fort décidée à lui donner raison sur ce point.

Se rechaussant pour se relever à la hâte, Sylhuna récupéra dans son paquetage sa carte, volée chez un érudit et, depuis, soigneusement annoté de symbole qu’elle seule comprenait. A en juger par le petit point noir dans l’étendue déserte, il devait se trouver un refuge non loin, dans lequel elle pourrait s’abriter. Abaissant sur sa tête la capuche de sa cape de voyage, elle s’en alla sous le ciel grondant. L’air sentait bon l’orage, l’humus mouillée, la pluie fraiche, suave, sucrée presque ; bientôt, la luminosité changea également, sinistrement forte, rais pâles filtrées au travers du plafond sombre. Puis vinrent les éclairs, brutaux et toujours plus proches, aveuglant dans leur terrifiante splendeur, incarnation pure de la force de la nature. Des lambeaux de fumée blanche s’élevaient par instant du sol, là où les perles d’eau percutaient violemment la terre chaude. Exaltée, la jeune femme s’arrêta un instant, tendant les paumes devant elle en offrande à ces giclées froides qui lui tombaient dessus, frémissante. Toujours plus fort, les souffles aériens venaient hurler à ses oreilles, impérieux, cherchant à la faire plier et s’effondre. Mais bien au contraire, il lui semblait que son corps entier vibrait d’une énergie que seule cette tempête qui se profilait pouvait lui apporter, et si elle n’avait craint de mettre en danger sa santé en s’attardant trop longtemps, elle serait volontiers restée plus longtemps, se gavant de cette vigueur qui brûlait ses veines et faisait briller ses yeux.

La porte de l’auberge grinça légèrement lorsque Sylhuna la poussa pour s’abriter de la météorologie peu clémente, mais ô combien impressionnante ; quelques visages se tournèrent vers elle, désabusés de voir une visiteuse de plus ou goguenards devant ses atours détrempés et sa chevelure de flamme qui lui tombait devant les yeux, collant à son visage comme autant de petits tentacules sournois et intrépides tandis que la masse sèche se ruait à l’air libre alors qu’elle abaissait sa capuche. Un enfant glapit à ses oreilles lorsqu’un nouveau coup de tonnerre résonna ; pivotant, elle le dévisagea avec un dégoût non dissimulé, gravant en même temps les traits fatigués du père qui le tenait dans ses bras. Un enfant. Peureux. C’est attaché à un arbre qu’il devrait être, pour se forger l’esprit et endurcir son cœur, affrontant les voiles aqueuses qui révélaient les courants du vent, plutôt que de venir irriter les adultes présents.

Faisant fi du silence ambiant, elle regarda autour d’elle, fixant ses repères, notant la disposition des tables, observant les individus et constatant les liens entre eux au travers de leurs quelques interactions. Rembrunie, ce fut avec une certaine déception qu’elle constata qu’un silence pesant régnait dans les lieux. Les quelques conversations se réduisaient à d’imperceptibles chuchotis nerveux, les regards étaient inquiets et les visages rébarbatifs. Eh bien… Elle n’allait guère tirer grand-chose de cette population-là. Soit. Ce fut donc vers le comptoir que ses pas la menèrent. A l’aubergiste face à elle, elle demanda une pièce sûre où laisser son paquetage et changer ses vêtements mouillés. Tout comme elle ce fut dans un murmure qu’il lui répondit, car parler à haute voix revenait dans le silence lourd des lieux à hurler ; de toute évidence d’aussi mauvaise humeur que la plupart de ses clients, il l’informa que les chambres étaient pleines et qu’elle devrait donc faire comme tous les autres, attendre dans la grande salle. Retenant de justesse quelques acides remarques à son encontre, Sylhuna se résigna donc à s’assoir au comptoir, une lyre pour voisine, sentant quelques élancements dans sa cheville. Mais rien ne semblait ni foulé ni brisé, aussi ne s'inquiétait-elle pas outre mesure de ces picotements légers. Devant la bière insipide qui lui fut amenée, elle se fit tristement la réflexion que poursuivre son voyage sous l’orage aurait peut-être été une meilleure idée… Très certainement, même, alors que le seul enfant de la pièce, dans ses fripes sales et dessous sa chevelure en désordre, commençait à pleurnicher. Est-ce qu’un jet de chope résoudrait le problème ? Fort peu probablement. Soufflant silencieusement, elle laissa retomber la tête vers ses mains jointes sur le bord du bois rayé par les nombreux passages de clients, fatiguée d’avance des heures à venir. Au moins échapperait-elle, cette nuit encore, à ce maudit sommeil peuplé de lacs sans fonds et mains blafardes qui lui effleurait la gorge en une menaçante caresse. Se détournant un instant de l’objet de leur attention, ses prunelles se posèrent sur l’instrument de musique de son voisin… remontèrent jusqu’au visage, étrangement souriant, de celui. Le dévisagèrent d’un œil imperturbable, jusqu’à qu’il détourne de sa chope. Sans préavis, un sourire aimable et resplendissant – et, chose rare, presque sincère − se dessina sur les lèvres rosées de la demoiselle. Le voilà, son sauveur. Avec un brin de chance, il saurait tirer quelques mélodieuses notes de son instrument, qui lui feraient oublier qu’en elle naissait d’assassines envies.

-Veuillez m’excusez, mais seriez-vous, par quelque hasard, barde ou ménestrel ?

Qu’il chante, par Sydilia, qu’il chante et fasse fuir quelques instants la monotonie des lieux !
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Rhys Songsteel

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Message(#) Sujet: Re: Que le ciel nous tombe sur la tête Que le ciel nous tombe sur la tête Icon_minitimeDim 15 Avr 2018 - 15:41


Je suis en train de me demander s’il est possible d’occuper toute une nuit sans mourir d’ennui simplement en repassant dans son esprit ses souvenirs les plus amusants et les plus agréables, quand la demoiselle que j’ai repérée un peu plus tôt, assise à côté de moi, me tire de mes réflexions. Je m’extirpe plus ou moins facilement des images que je pouvais presque voir dans ma chope pour me tourner vers ma voisine, essayant de reconstituer sa phrase. Je n’ai pas bien intégré le début, mais l’essentiel a percé ma compréhension. Je jette un coup d’oeil à mon instrument, posé entre nous – pour être honnête, je lui ai fait occuper le siège à côté de moi pour me séparer des autres clients et de leur apparente amabilité chronique. Cela n’a pas marché avec celle-ci mais au moins elle a le sourire et ne semble pas allergique à la politesse.

Je suis musicien, en effet. Je suis ravi que mon art vous intéresse, malheureusement il ne semble pas le bienvenu dans cette salle.” Je lance un regard évocateur autour de nous, pour lui faire comprendre que le silence qui a pris racine ici n’est pas de mon fait. J’aurais volontiers tenté de jouer à nouveau si je n’avais pas craint de me faire éjecter de l’établissement sous la pluie torrentielle qui s’abat sur ce pauvre village. Je n’ai pas besoin de gagner ma croûte et je tiens bien trop à mon petit confort et accessoirement à ma santé pour tenter une telle chose.

J’imagine pourtant la scène avec une étonnante facilité, peut-être à cause de mes précédentes rêveries éveillées. J’irais m’installer à nouveau sur la petite estrade au coin de la salle, qui existe forcément pour une raison. Je commencerais par une chanson populaire appréciée des enfants, une ballade amusante racontant les aventures d’un chevalier affrontant un dragon. Cela détounerait l’attention du môme qui, je l’avoue, me fait un peu grincer des dents en ce moment. Une fois attiré, il applaudirait, et lui, il se permettrait de dire “Encore ! Encore !” Bientôt, les adultes se joindraient à lui pour écouter et profiter de la musique. L’ambiance s’allègerait, et la soirée passerait plus vite, la météo oubliée au moins pour un moment …

Malheureusement ses aînés ne paraissent pas partager mon avis sur la meilleure manière de passer une soirée de tempête, et leurs visages sombres ne me donnent pas vraiment envie d’essayer. Au lieu de cela, je hausse les épaules en une sorte d’excuse.
Avec un instinct presque surnaturel que je soupçonne d’être propre aux félins, Sable, jusque là dissimulé par l’étui, semble comprendre qu’on menace de le séparer de sa lyre. Le gila eggret se déroule légèrement, s’étire, se lève, s’étire à nouveau, et se penche sur le comptoir, le nez tendu vers la main de sa voisine, la reniflant comme s’il avait le droit de respirer son odeur pour la juger. Une fois apparemment satisfait de ce qu’il a pu sentir, il se réinstalle plus confortablement sur ce qui lui sert de coussin. Je le gratte affectueusement entre les oreilles, m’attirant un ronronnement audible : de la magie et des caresses, le félin a tout ce qui lui faut pour être le plus heureux du monde. C’est avec un soupir las que je reprends la parole :

Croyez-moi, j’ai déjà essayé de négocier tant avec lui...” – en désignant le gila eggret – “... qu’avec eux.” – en montrant cette fois-ci la salle d’un signe de tête. “Je crains que tous préfèrent la situation comme elle est en ce moment-même…
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Sylhuna Chantétoile

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Espionne

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Message(#) Sujet: Re: Que le ciel nous tombe sur la tête Que le ciel nous tombe sur la tête Icon_minitimeMar 15 Mai 2018 - 19:40


Un musicien, Sydilia en soit remerciée. Si apprendre à jouer elle-même n’avait jamais provoqué le moindre intérêt chez Sylhuna, entendre quelques notes plaintives et mélancoliques lui plaisaient toujours. Il y avait plus de sentiments dans une douce mélodie que dans les larmes d’un millier d’humains. Et chaque sonorité, de chaque instrument, avait dans son esprit son lien propre avec les bruissements qui se trouvaient dans la nature. Accompagner le tambour languissant de la pluie de quelques ballades lui semblait être une douce idée. Qui lui éviterait peut-être quelques sanguines impulsions, qui plus était. Et son refus la frustra. Quel inutile, ce musicien, comme tant d’autres. Alors qu’elle grimaçait un sourire contrit et vaguement compréhensif, son regard s’assombrit, qu’elle tourna vers la fenêtre. Les imbéciles… savaient-ils seulement ce qu’était vraiment la tempête, la vraie ? Celle qui naissait de la colère et de la revanche ? Savaient-ils ce que serait, bientôt, celle qui viendrait balayer leur vie sinistre ? Oh, ils craignaient quelques orages, quelques inoffensives gouttes. Tremblaient sous le grondement féroce de l’horizon, gémissaient en voyant portes et murs trembler sous le vent hurlant. Et pourtant, ils se précipiteraient dehors, nus et offerts à ces bourrasques glacées, s’ils pouvaient ainsi éteindre l’orage qui se lèverait, bien vite, au sud. Ils l’aimeraient comme elle-même aimait cette puissance brute et indomptable, ils l’admireraient comme elle-même admirait cette beauté sauvage. Ah, triste monde, peuplé d’idiots et d’ignorants.

Pivotant légèrement, son regard gris parcouru lentement la sinistre assemblée, s’y attardant plu que nécessaire. Ah, elle ne pouvait pourtant pas nier éprouver un léger plaisir amusé devant ces visages déconfits. Ils avaient peur de la tempête, de sa violence, de ses dangers mais… pas que. Ils craignaient les ombres qu’elle apportait avec elle, la nuit sinistre qui se levait toujours dessous les nuages noirs, et les créatures, pourtant issues de leurs seuls cauchemars, qui pouvaient alors rôder. Le froid et l’obscurité savaient mieux que tout le reste faire naitre l’angoisse. Devait-elle aller s’amuser un peu, alors ? S’éveilleraient-ils s’ils devaient trouver un cadavre sous leur toit ? Puis un deuxième ? Qui soupçonneraient-ils en premier ? Certains dormaient à poings fermés, plus haut ; devait-elle organiser une partie de chasse dans la maisonnée silencieuse ?

Avec un léger mouvement de tête, Sylhuna soupira et avala plutôt une gorgée de bière. Ce n’était guère le moment de provoquer quoi que ce soit de stupide et dangereux. Ni même de songer de pareilles absurdités. Croisant son reflet dans l’onde brune de sa chope, elle frissonna pour elle-même et chassa ces pensées ; l’orage la rendait sinistre. Une voix masculine la tira de ses douteuses réflexions et elle reporta son regard vers son voisin aux traits délicats.

-Je vois. Elle sourit légèrement. Il est normal de craindre une telle tempête. Elle peut apporter bien des dangers pour qui se risquerait à l’affronter, et le seul fait de se trouver près d’elle peut s’avérer périlleux.

Il ne comprendrait pas le double sens de ses paroles, et c’était bien ce qu’il y avait de plus jubilatoire. Tendant légèrement la main, la jeune femme laissa ses doigts tendus vers le petit être velu ; patiemment, elle attendit de voir s’il daignerait tourner ses trois yeux vers elle, alors qu’elle ne pouvait qu’admirer la perfection de cette frimousse aussi majestueuse qu’intelligente. Ce ne fut pourtant pas vers le gila eggret – qu’elle rêvait silencieusement de caresser – que sa question se dirigea :

-Et vous ? Redoutez-vous donc l’orage ?
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Rhys Songsteel

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Message(#) Sujet: Re: Que le ciel nous tombe sur la tête Que le ciel nous tombe sur la tête Icon_minitimeJeu 24 Mai 2018 - 10:51


Quelque chose me dérange avec cette jeune femme. Je ne saurais pas dire quoi spontanément, mais plus je la regarde et plus je me rends compte que quelque chose ne colle pas. Elle a un visage d’ange et est belle comme un coeur, mais son attitude est froide comme une nuit d’hiver passée à la belle étoile. Ce n’est pas la première fois que je rencontre ce type de contraste, mais habituellement ce n’est pas dans une auberge perdue au milieu de nulle part. Elle me fait penser à certains membres de la noblesse de la plupart des peuples que j’ai eu l’occasion de côtoyer. Son attitude indifférente à la tempête qui s’abat sur nos têtes malgré les éclairs qui font trembler les murs en s’abattant non loin m’interroge. Serait-elle une héléo ? Je me demande un instant si l’intérêt que semble lui porter Sable est lié à une sorte de rémanence magique de la transformation qui lui permettrait dans ce cas d’évoluer sur la terre ferme. D’habitude il est bien plus intenable que cela, et ses yeux se mettent à briller. Ici, il reste plutôt calme mais peut-être y a-t-il longtemps qu’elle n’est pas retournée à son état aquatique.

Sa question, bien mystérieuse, me tire de ces considérations diffluentes, car je doute qu’elle ne concerne que la météo de la soirée. Décidément, cette demoiselle est bien étrange. Cela ne m’empêche pas de réfléchir poliment à la réponse que je vais lui faire. Après tout, cette façon de pousser son interlocuteur dans une réflexion philosophique n’est pas sans me rappeler certains salons se voulant intellectuels à Arnlo. J’imagine que mes compatriotes ne sont pas les seuls à se délecter de ce loisir. J’admets qu’aucune réponse pleine d’esprit ne me vient immédiatement. Je ne m’attendais pas à une telle conversation ici, ce soir, et mes pensées sont un peu léthargiques. Mon regard rejoint le sien, posé sur le gila eggret qui a présent fait semblant de dormir en nous ignorant tous les deux

La tempête elle-même peut être destructrice. Le meilleur moyen d’y résister est d’y être préparé.

Avec un fracas incroyable faisant trembler la terre et tout le village, la foudre s’écrase dans le champ d’à côté. D’un mouvement Sable s’est relevé et feule, les oreilles couchées sur le crâne et le poil hérissé. Ses trois pupilles sont dilatées au point de masquer presque entièrement le vert de ses yeux. Je jette un coup d’oeil à travers l’épaisse fenêtre mais il semble que les plantations n’aient pas pris feu, détrempées comme elles sont par les trombes d’eau qui accompagnent l’orage. Le silence se fait dans l’auberge, même l’enfant qui pleurait tout à l’heure se trouve dans un état de sidération muette.

Ce n’était qu’un coup de semonce. J’ai à peine le temps de penser que nous sommes passés à côté de la catastrophe que celle-ci nous rattrape. Un éclair vient frapper la tour de guet mitoyenne, qui s’effondre sur l’auberge. Dans la déflagration de terre et de gravats qui s’abat sur nous, mon premier réflexe est de protéger ma lyre, et accessoirement l’animal qui se trouve dessus. Ce dernier ne se laisse cependant pas faire, terrorisé qu’il est, et il m’échappe. Ce que je pense être une tuile me heurte l’épaule, engourdissant tout mon bras. De l’autre je saisis la sangle de l’étui de mon instrument, et cherche une sortie au milieu des cris, mais je suis aveuglé par le nuage de poussière qui emplit l’espace.
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Sylhuna Chantétoile

Sylhuna Chantétoile

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Message(#) Sujet: Re: Que le ciel nous tombe sur la tête Que le ciel nous tombe sur la tête Icon_minitimeDim 17 Juin 2018 - 11:47


Son mince sourire s’élargit de façon infime, mélange subtil d’amusement mauvais et de moquerie mutine. N’avait-il pas tout à fait raison ? Rien ne valait une bonne préparation pour affronter une tempête à venir dès lors que son existence était connue, et ce qu’elle soit au sens propre ou figuré. Mieux, il fallait à tout instant se préparer à se trouver au cœur de la tourmente, au centre d’une bourrasque dévastatrice et sans pitié. Qu’elle fut une trahison brutale ou un orage soudain, qu’elle soit de sang et de larmes ou de pluies et de vent, la tornade pouvait tout emporter avec elle et mieux valait s’y être préparé.
Mais tout incident pouvait bien être envisagé qu’un inattendu trouvait toujours moyen de se glisser pour tout perturber, et celle qui sévissait à l’extérieur de l’auberge en fit la parfaite illustration. Sans laisser à Sylhuna la moindre possibilité de répondre quoi que ce soit, un rugissement se fit entendre, s’accompagnant d’un bref éclat à l’insoutenable clarté. Jetant un regard au gila qui exprimait bruyamment son mécontentement, la jeune femme redirigea son attention vers l’extérieur, accrochant de ses yeux pâles les murs dont la finesse lui fit un instant douter de leur capacité à résister aux lames immatérielles qui les frappaient. Et quand bien même sortirait-elle indemne de ces chocs répétés, il ne faudrait guère de temps pour que la bâtisse devienne une torche vive dans les ténèbres si la foudre venait à courtiser de trop près les poutres. Peut-être devrait-elle réellement trouver meilleur refuge ? Elle n’était pas certaine que sortir fut cependant une mesure plus prudente. Le sol devait être totalement détrempé et glissant, le terrain plus irrégulier encore et à présent que le silence avait pleinement envahi l’espace, elle n’avait pas à s’agacer de quelques couinements enfantins.

Elle en était là dans ses réflexions quand le ciel se décida à l’aider à trancher. La pluie qui lui tomba dessus, ainsi qu’à tous les présents, n’était pas d’eau ou de glace, mais bien plus dangereuse. En remerciant son entrainement militaire qui lui avait permis d’acquérir quelques précieux reflexes, elle bondit de son tabouret – lequel se renversa sans qu’elle n’y prête la moindre attention – et se réfugia sous la première table venue, sans prendre garde aux bousculades et cris de terreur comme de douleur qui résonnaient dans l’air chargé de poussières. Toussotant, la Recleyes plissa les yeux pour tenter d’apercevoir quoi que ce soit d’autre que des chaussures usées qui piétinaient le sol encombré. Le toit de l’auberge n’allait pas tarder à totalement s’effondrer, et avec lui le plafond de la salle dans laquelle tous étaient rassemblés : mieux valait pour elle filer avant de finir totalement écrasée. Regardant autour d’elle avec plus d’attention, elle ne put retenir un sursaut en faisant soudainement face à trois yeux émeraudes flamboyants, qui disparurent aussi vite qu’ils étaient apparus. Le félin devrait instinctivement trouver où se mettre à l’abri, il lui suffirait donc de lui suivre pour trouver à son tour son chemin. Encore fallait-il savoir où l’agile créature avait disparu… Un nouveau grondement, et une partie du plafond s’écrasa pour partie derrière elle, tandis que l’eau s’infiltrait lentement dans la pièce pour partie détruite. Si elle ne voulait pas faire de ces lieux son tombeau, aussi froid, sombre et humide qu’un fond de lac, il vaudrait mieux pour elle s’éclipser rapidement. Un frisson l’accompagnant à cette idée, Sylhuna s’extirpa de sous sa frêle protection pour avancer prudemment vers ce qu’elle supposait être la bonne direction, non sans bousculer quelques clients terrifiés au passage. Un instant plus tard, elle trouvait appui contre l’un des murs qu’elle entreprit de longer jusqu’à ce qu’une ouverture se profile. Mais avant d’avoir pu trouver cette précieuse issue, l’effondrement de la toiture s’accéléra ; les poussières retombées se soulevèrent de nouveau tandis qu’un fracas les déséquilibra tous. N’ayant eu que le temps d’apercevoir une tâche pâle devant elle à la faveur d’un nouvel éclair, la jeune femme tendit la main devant elle, attrapant par le col le musicien malchanceux et l’envoyant s’écraser par terre tandis qu’une pluie de gravas plus ou moins gros s’écrasait où il se trouvait encore une seconde plus tôt. Tant qu’il pouvait jouer, il pouvait servir – les troubadours étaient souvent sources de précieuses informations – aussi mieux valait le conserver en état à peu près correct. Un soupir désabusé plus tard, la jeune femme songeait que si elle venait à périr dans les décombres d’une auberge miteuse, elle ne pouvait espérer que nul n’apprenne les raisons de sa mort si peu glorieuse. Elle n’avait plus qu’à attendre patiemment, songea-t-elle avec ironie, qu’un des murs ne s’effondre avant que le reste du plafond ne lui tombe sur la tête.
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Rhys Songsteel

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Message(#) Sujet: Re: Que le ciel nous tombe sur la tête Que le ciel nous tombe sur la tête Icon_minitimeDim 24 Juin 2018 - 14:43


À moitié étourdi et presque complètement déboussolé, j’essaie de trouver mon chemin dans cette mer de gravas qui m’a presque entièrement noyé. Je cherche certes une sortie à l’auberge détruite, mais je ne veux pas non plus partir sans avoir retrouvé mon chat. La bestiole a commencé à squatter mes affaires sans vraiment me demander mon consentement et je n’aurais jamais pensé qu’il me suivrait hors de sa forêt, mais j’ai fini par m’y attacher. Je serais bien attristé s’il me lâchait maintenant, ou pire, s’il venait à être blessé.
Je finis par apercevoir un éclair de fourrure blanche, une queue touffue qui s’agite en balancier alors que le félin saute d’obstacle en obstacle. Il a dû repérer une échappatoire, et je le suis en priant tous les dieux qui veulent bien m’écouter en ce moment pour qu’il ne choisisse pas un chemin par lequel je ne pourrais pas le suivre.

Du sang coule le long de mon bras depuis mon épaule, mais c’est tout de même lui que j’utilise pour protéger ma lyre quand le plafond s’effondre derrière moi. Le temps d’un étrange instant de détachement, je n’entends plus rien d’autre que les pierres et planches du bâtiment qui tombent. Tout le reste, cris, vent, pluie, tempête, semble assourdi, lointain. Je perds Sable de vue lorsqu’une main me tire par le col, me coupant la respiration, et m’envoie rouler au sol. Je me redresse avec un grognement, non sans rappeler le félin que je suivais, et me retourne pour voir qui m'agresse de la sorte. C’est la jeune femme rousse, qui se tient debout, et entre nous deux un morceau du plafond qui s’est détaché et écrasé là où ma tête se trouvait une seconde plus tôt. Le souffle court, je la remercie d’un signe de tête, quand un miaulement sonore me fait tourner la tête.

Le gila eggret me fixe de ses yeux flamboyants, comme s’il voulait que je le suive. Je m’exécute, pas dupe : il veut surtout mener ma lyre en sûreté, plus que moi. Au passage, je fais signe à la jeune femme de venir avec nous. Elle vient probablement de me sauver la vie, si je peux commencer immédiatement à payer ma dette autant saisir l’occasion qui m’est présentée. Sable, sans nous attendre, a escaladé en trois bonds souples un tas de pierres et de poutres plus haut que moi. Je n’ai qu’une confiance modérée dans la capacité de ces débris à supporter le poids de deux humains adultes. Quelque chose a pris feu derrière nous, je ne distingue pas quoi dans le nuage de poussière que la pluie n’arrive toujours pas à faire retomber, mais la chaleur et la lueur mouvante des flammes suffit à me pousser en avant.

Je fais basculer mon instrument sur mon dos, mieux calé ainsi et libérant mes bras. J’ai bien besoin de mes mains pour m’aider à grimper, mais j’arrive en haut sans trop de difficulté. Je n’aurais jamais pensé que cet animal soit aussi futé, mais il a réussi à me tirer d’affaires. En effet, de l’autre côté se trouve l’encadrement de la porte, la seule partie du mur qui ait survécu à la catastrophe. Je me retourne pour aider la jeune femme à finir d’escalader les gravats, mais elle n’a clairement pas eu besoin de mon aide pour arriver à mon niveau. Ses réflexes et ses capacités physiques de toute évidence supérieures à la moyenne ne correspondent pas à son visage délicat et son allure angélique, et m’intriguent fortement. Je reste bien agrippé à ma lyre et descend en direction de la sortie. Etrangement, la plaine battue par la pluie me semble moins inhospitalière à présent que mon abri s’est écroulé sur moi.

Sable m’attend de l’autre côté du mur effondré, ayant trouvé refuge sous l’abreuvoir des chevaux. J’ai l’impression que cette protection a juste un effet placebo sur lui, car il me semble aussi mouillé que s’il était à découvert. Sa fourrure blanche est hérissée et touffue pour le protéger de l’humidité et du froid. Lorsque je me retourne enfin sur les restes de l’auberge, c’est pour voir l’étrange jeune femme sur mes talons. De toute part des clients commencent à sortir des décombres, comme nous. Des appels retentissent dans la nuit, perçant à peine les hurlements du vent et les trombes d’eau qui s’abattent sur nous. Je me demande combien ont survécu.
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Sylhuna Chantétoile

Sylhuna Chantétoile

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Message(#) Sujet: Re: Que le ciel nous tombe sur la tête Que le ciel nous tombe sur la tête Icon_minitimeDim 8 Juil 2018 - 17:16


Si la fin de Madelle devait arriver, Sylhuna aurait juré que cet instant en était le commencement. La terre qui tremblait, la pluie qui martelait, les flammes qui rugissaient, les murs qui s’effondraient : Tarang en serait heureux. Et au milieu de cette destruction brute filait un petit éclair pâle dont les trois yeux brillaient d’un vert presque insoutenable ; un petit gila eggret que la jeune femme s’efforçait de suivre en dernier recours, mais en cela, se rendit-elle rapidement compte, imitée par l’humain lié au joli félin. Avait-il émis les mêmes hypothèses qu’elle en ce qui concernait l’instinct du petit animal ou agissait-il par affection à l’égard de celui-ci, désireux de le protéger de son mieux ? Quelle que soit sa raison, le résultat était le même et, alors que le musicien faisait signe à la Récleyès de le suivre, cette dernière n’hésita pas un seul instant. Prenant son élan, elle sentit son pied s’enfoncer dans un amas de poussières et petits cailloux créés par l’effondrement du toit ; il n’en fallut guère plus pour la motiver à s’élancer par-dessus ce muret de gravats, et ce fut avec empressement qu’elle prit le même chemin que les deux comparses qu’elle suivait. L’éclair de douleur qui la traversa brièvement alors que sa cheville déjà douloureuse forçait un peu trop lui tira un grincement de dents qui se perdit bien vite dans le brouhaha ambiant, et la rigueur militaire qui l’avait forgé lui fit écarter cette légère souffrance pour se concentrer sur son escalade. L’herbe couchée par le vent lui apparut sitôt de l’autre côté, et ce fut avec un infini plaisir qu’elle quitta les décombres de ce qui avait été une auberge pour retrouver la plaine.

Sous les éclairs d’or qui brisaient par instants le velours sombre de la nuit pluvieuse, elle se sentait renaitre. Soudainement, il n’y avait plus d’urgence, et elle pouvait prendre le temps d’observer posément la scène à laquelle elle venait d’échapper. Les flammes rousses qui léchaient, de leurs langues tremblantes que la pluie tentait vainement d’éloigner, les poutres effondrées de l’auberge. Des silhouettes tremblantes, agitées, semblant si frêles dans ce décor grandiose, apparaissaient brièvement par intervalles réguliers. Une odeur étrange d’humus détrempée, de fumée et de bois l’entourait, qui semblait imprégner vêtements et chair, la pluie se chargeant de leur offrir un toilettage non demandé.
Ses atours lui collant au corps, l’entourant d’une froide étreinte, Sylhuna tira distraitement sur sa tunique avant d’éternuer en silence. L’eau qui glissait dans son cou et lui plaquait les cheveux sur la tête semblait toute autant décidée à l’achever par quelques rhumes indésirables que n’avait voulu le faire le plafond de l’auberge en cherchant à lui tomber dessus. S’ébrouant, elle soupira en songeant qu’il lui faudrait dénicher un nouvel abri où se reposer. Puis se souvint de son petit sauveur et de l’humain lui étant lié. Les cherchant du regard, elle n’eut guère de mal à les trouver, le premier étant une tâche blanche dans la nuit, le second se trouvant, s’en rendit-elle vite compte, tout près d’elle. En deux pas elle était devant lui et, suspectant quelque chose en l’observant, tendit la main pour appuyer sur la tâche plus sombre apparaissant sur son épaule. A son tressaillement, elle comprit qu’elle avait eu raison. Tendant sa main souillée de sang sous l’eau céleste, elle observa le liquide écarlate qui s’effaçait rapidement.

-Vous êtes blessé. Ce n’était pas une question, plutôt une paisible constatation. Vous devriez vous faire soigner rapidement, vous risquez de perdre l’usage de votre bras s’il y a une infection.

Dommage pour lui, elle doutait qu’il y ait le moindre guérisseur à plusieurs lieux à la ronde, et quand bien même y en aurait-il qu’il ne serait pas forcément une priorité. Un certain nombre des clients de l’auberge avaient dû mourir ou finir gravement blessés, surtout ceux qui dormaient paisiblement à l’étage avant que ne s’effondre la bâtisse. Se détournant, la jeune femme s’approcha à quelques pas du gila eggret grelottant, s’accroupissant pour l’observer en silence un moment ; au moins lui semblait-il en bonne santé. Au jeune homme qui était venu à son tour près du félin, elle ne put s’empêcher de demander avec curiosité :

-Cette lyre est-elle donc si précieuse, que vous l’ayez préservé de la sorte depuis le début ? Vaut-elle plus que l’usage de votre bras ?

Elle pouvait comprendre que, comme un guerrier n’est rien sans son arme, un peintre sans son pinceau, un forgeron sans son marteau, il avait besoin de son instrument. Mais enfin, n’avait-il pas encore plus besoin de ses membres supérieurs ? Ne pouvait-il pas racheter le premier, tandis que les seconds une fois perdus l’étaient à jamais ?
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Rhys Songsteel

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Message(#) Sujet: Re: Que le ciel nous tombe sur la tête Que le ciel nous tombe sur la tête Icon_minitimeDim 24 Fév 2019 - 20:07


Je devrais retourner dans les décombres de l’auberge. Il reste sûrement encore des gens bloqués, des blessés que je pourrais secourir. Tout le monde n’a pas eu la chance de s’en sortir aussi bien que moi. Je sais que je pourrais leur prêter main forte, aider d’une manière ou d’une autre. Pourtant, pour une raison ou pour une autre, je reste immobile sous la plus, sidéré par ce qui vient de se passer. Comment a-t-on pu passer aussi brutalement de l’ennui le plus profond à … ça. Quelle débâcle. Les cris de panique se muent progressivement en appels, dont certains obtiennent une réponse alors que d’autres ne se heurtent qu’au fracas du tonnerre qui s’éloigne petit à petit. Debout sous la pluie battante, la douleur dans mon épaule gauche, que je sentais à peine jusque là, commence à me rattraper. Un éclat douloureux éclate soudain et rayonne dans tout mon bras, une exclamation et un mouvement de recul m’échappent. Je réalise à ce moment que la jeune femme s’est approchée de moi et qu’elle a appuyé sa paume sur ma blessure.

J’essaie de bouger mon bras, mais le moindre mouvement déclenche un élancement insoutenable. Je crois qu’elle a raison, il me faudrait des soins mais je ne vois pas qui dans ce hameau inconnu pourrait m’aider. Je palpe moi-même mon articulation blessée avec la plus grande précaution et grince des dents : je sens une masse anormale, je crois que quelque chose s’est déplacé avec le choc.

Vous avez raison, je crois qu’elle est déboîtée. Il faut que je trouve quelqu’un qui soit capable de la remettre en place.

Je ne sais pas moi-même comment je fais pour parler avec un tel calme. Je crois que j’ai du mal à réaliser ce qui s’est passé, j’ai l’impression que tout se déroule comme dans un rêve. Je ne serais pas étonné de me réveiller dans un lit, voire au comptoir de l’auberge où j’aurais fini par m’endormir d’ennui.
L’inconnue me questionne sur ma lyre. Je dois dire que je n’aime pas vraiment la tournure qu’a pris la conversation. Je n’apprécie jamais que l’on s’intéresse de trop près à mon instrument de peur que quelqu’un découvre ses particularité. J’y jette à peine un coup d’oeil avant de répondre.

Valeur sentimentale surtout. À vrai dire j’essayais surtout de protéger Sable.” Je désigne le gila eggret, toujours sous l’abri relatif du lavoir. “Il semblerait que ce soit plutôt lui qui m’ait sauvé ce soir.

Un éclair illumine la scène apocalyptique devant nous et me remet d’un coup les idées en place. Je me tourne vers la jeune femme.

Vous aussi d’ailleurs, et je n’ai même pas pris le temps de vous remercier. Le plafond m’aurait écrasé si vous n’étiez pas intervenue, je vous dois la vie.

Je commence à m’incliner mais m’interromps avec une grimace. Même ce mouvement a réveillé la douleur. Il faut vraiment que déniche quelqu’un qui pourra m’aider. Ce hameau est peut-être perdu au milieu de nulle part mais j’ai traversé des champs cultivés en arrivant, les blessures ne doivent pas être rares parmi les agriculteurs. Ils doivent bien avoir un guérisseur, même un rebouteux, pour soigner leurs maux du quotidien.

Je vous dois déjà une fière chandelle, mais j’ose espérer que je peux encore vous demander quelque chose. M’aideriez-vous à dénicher ce qui sert de soigneur dans le village ? Je ne serais pas le seul à en avoir besoin, je le crains.
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Sylhuna Chantétoile

Sylhuna Chantétoile

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Message(#) Sujet: Re: Que le ciel nous tombe sur la tête Que le ciel nous tombe sur la tête Icon_minitimeJeu 7 Mar 2019 - 16:22


L’orage s’était légèrement calmé, les roulements de tambour commençant à s’éloigner d’eux, suivant docilement les lumières aveuglantes des éclairs partant en quête d’une nouvelle terre à brûler. La pluie en revanche ne s’était guère adoucie, frappant toujours avec force le sol qui buvait avec difficulté son eau clair, dansant sous les légères bourrasques du vent. La terre trop sèche avait avalé goulument cette offrande aqueuse mais il y avait eu trop, trop vite ; des flaques boueuses se formaient sous les chaussures. L’air avait fraichi sous l’influence des gouttes froides, quoi que les flammes qui poursuivaient leur œuvre dévastatrice envoyaient vagues de chaleur. Il faisait froid et chaud à la fois, mais l’adrénaline qui pulsait encore dans leurs veines épargnait pour l’heure aux pauvres hères détrempés de s’en inquiéter. Et quand bien même, la plupart d’entre eux avaient d’autres préoccupations bien plus graves que celle de prendre froid ; ceux qui n’étaient ni morts ni mourants s’inquiétaient de ceux l’étant, de leur propre santé ou bien des deux à la fois. Le musicien et elle-même pouvaient, songea Sylhuna, s’estimer heureux de s’en sortir si bien. Une épaule déboitée pouvait se remettre aisément – elle pouvait même le lui faire elle-même, les soldats étant censés savoir soigner les blessures les moins importantes de leurs camarades, et surtout les espions puisqu’ils agissaient le plus souvent seul ou à deux – et si la plaie était prise à temps, il n’aurait pas de complication. Tout cela pour un instrument… décidément, les sentiments pouvaient avoir de bien tristes conséquences. Il lui aurait probablement moins coûté de faire réparer l’objet, voire racheter une autre lyre, plutôt que de risquer sa santé ainsi. Perplexe, la Récleyès accepta néanmoins l’explication avec un haussement de sourcils dubitatif, classant son interlocuteur comme sentimentaliste fou.

- J’ai quant à moi une dette envers votre ami grelottant, s’il n’avait pas trouvé la sortie je serai probablement en piètre état. Il semblerait, conclut-elle avec un fugace sourire, qu’il se soit fait deux débiteurs en une seule nuit, le malin.

Elle préférait néanmoins devoir la vie à un Gila Eggret qu’à un humain, mais appréciait en revanche l’idée d’être créancière d’une dette d’honneur. Avoir de tels contacts pouvait toujours s’avérer profitable, et elle escomptait bien pouvoir en profiter à l’avenir.

-Je vous dois déjà une fière chandelle, mais j’ose espérer que je peux encore vous demander quelque chose. M’aideriez-vous à dénicher ce qui sert de soigneur dans le village ? Je ne serais pas le seul à en avoir besoin, je le crains.

Elle retint un soupir, lui lançant un regard désabusé. Vraiment ? N’avait-il donc rien appris plus jeune ? Ne jamais se rendre plus redevable qu’on ne l’est déjà, surtout auprès d’un étranger. Il est des dettes qui coûtent trop chères à rembourser… Mais Sylhuna pouvait difficilement refuser sans risquer de finir lynchée par les survivants pour son manque d’aide et d’empathie, après réflexion, estima que si guérisseur il y avait, peut-être pourrait-il rapidement soulager sa foulure légère.

- Hm, soit, s’il est lui-même en état de soigner quiconque. Mais je doute qu’il soit bien prudent de partir à travers champs maintenant, sous la pluie et de nuit. A moins bien sûr qu’en plus de l’épaule vous ne soyez prêt à vous briser une jambe. Ou que vous ne soyez nyctalope. Peut-être l’un d’entre eux – elle eut un mouvement du menton pour désigner quelques-uns des rescapés qui commençaient à organiser le sauvetage de leurs semblables – a-t-il quelques connaissances médicinales.

Pourquoi pas après tout ; puisqu’ils étaient relativement éloignés de tout, les locaux devaient avoir appris à se débrouiller seuls. L’espionne n’était cependant pas certaine que toutes leurs connaissances soient réellement efficaces. Des éclats de voix se firent entendre derrière eux et, en se retournant, elle vit des lumières vacillantes se dirigeant vers eux.

- Eh bien, on dirait que vous n’aurez pas besoin d’aller chercher l’aide, c’est l’aide qui vient à vous.

A en juger par le faible nombre de secouristes par rapport à celui des victimes, elle en déduisit néanmoins qu’étant encore debout et conscients, ils ne seraient probablement pas prioritaires.

- … ou pas. Avec un regard noir vers lesdits blessés, Sylhuna reprit d’un ton las : Asseyez-vous, je peux vous remettre l’épaule en place, vous trouverez quelqu’un pour la plaie par contre, je ne suis pas guérisseuse. Disons que c’est à vous que je rembourse ma dette à votre ami, vous vous arrangerez ensuite avec lui.

Elle jeta un regard au Gila Eggret, mais celui-ci semblait bien trop occupé à fuir la tourmente pour se préoccuper d’elle.

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